Le 3 décembre 2012, notre Église Gallicane fêtera une date importante de son histoire contemporaine : le 129ème anniversaire du Décret du 3 décembre 1883.

Ce jour-là, le Président de la République Jules Grévy (1807-1891) et le Ministre de l’Intérieur Pierre Waldeck-Rousseau (1846-1904) signaient un Décret autorisant les membres du Conseil de direction de l’Église Gallicane fondée par l’Abbé Hyacinthe Loyson (1827-1912) à ouvrir au culte leur chapelle alors située au numéro 3 de la rue d’Arras à Paris.

Dans une France encore régie, rappelons-le, par le cadre strict du régime concordataire, comment l’Abbé Loyson et ses fidèles obtinrent-ils cette autorisation ?

Pour voir la photo en plein écran cliquer ici

Pour voir la photo en plein écran cliquer ici

Juridiquement d’abord, elle se fonda sur l’article 3 du Décret du 19 mars 1859 portant sur les autorisations demandées pour l’exercice public des cultes non reconnus par l’État. Le voici :

- « Si une autorisation est demandée pour l’exercice public d’un culte non reconnu par l’État, cette autorisation sera donnée par nous, en Conseil d’État, sur le rapport de notre Ministre de l’Intérieur, après avis de notre Ministre des Cultes. Les réunions ainsi autorisées pour l’exercice public d’un culte non reconnu par l’État sont soumises aux règles générales consacrées par les articles 4, 32 et 52 de la loi du 18 germinal an X (articles organiques du culte catholique) et 2 de la même loi (articles organiques des cultes protestants). Nos préfets continueront de donner, dans le même cas, les autorisations qui seront demandées pour des réunions accidentelles de ces cultes. »

Politiquement ensuite, elle ne fut rendue possible que parce que le pouvoir de l’époque connaissait parfaitement qui était l’Abbé Loyson : un brillant prédicateur, un grand orateur, un excellent théologien et un sérieux réformateur catholique.

Enfin, elle fut aussi due aux propres manœuvres de l’Abbé Loyson qui avait particulièrement à cœur de l’obtenir. En témoigne la missive ci-dessous qu’il adressa au Ministre de l’Intérieur Waldeck-Rousseau le 28 juin 1883 ; une lettre autographe signée inédite que je suis heureux de vous faire partager et que je conserve pieusement dans mes archives personnelles.

En voici la retranscription intégrale :

« Neuilly près Paris, le 28 Juin 1883. Boulevard d’Inkermann, 29

Monsieur le Ministre,

Vous avez bien voulu m’autoriser à vous revoir très prochainement au sujet de la Société civile que nous désirons fonder pour la réforme morale et religieuse en France. Une circonstance particulière m’engage à hâter encore cette entrevue. Je veux parler de l’échéance du bail de notre chapelle de la rue d’Arras. Si nous ne prévenons pas le propriétaire avant samedi, 30 juin, dans la matinée, nous nous trouverons engagés de nouveau pour une période de trois années et pour une somme de dix-huit-mille francs, ce qui est considérable, eu égard à nos ressources limitées et précaires. Vous avez bien voulu me dire, Monsieur le Ministre, que vous vous renseigneriez au sujet des locaux dont, peut-être, il pourrait être disposé en notre faveur, après que nous aurions été reconnus. Si je pouvais avoir à cet égard une assurance de votre part, je résilierais immédiatement notre bail, qui nous laisse d’ailleurs jusqu’au 1er janvier prochain la jouissance du lieu consacré à notre culte.

J’aurai l’honneur de me présenter au Ministère pour être reçu par vous, demain matin, seul jour qui me sépare de l’échéance du bail.

L’œuvre à laquelle j’ai consacré ma vie est avant tout, pour moi, une œuvre de foi religieuse, mais elle est aussi, dans les conjonctures où se trouve la France, une œuvre de prévoyance et de dévouement patriotiques. Si modeste qu’en soit encore la réalisation concrète, la réforme catholique est toute autre chose qu’une secte, elle représente une idée vivante et pleine d’avenir. Ceux qui vous ont précédé aux affaires, qu’il me soit permis de le dire, ne l’ont pas assez compris. Quelque chose me dit, Monsieur le Ministre, que vous serez plus clairvoyant et plus résolu. Je vous le demande au nom du grand pays que vous gouvernez dans la crise la plus décisive peut-être de son existence. Je vous le demande au nom de cette réconciliation de la religion et de la liberté, dont votre éloquent et digne père, à Nantes, en 1867, a bien voulu saluer en mon humble personne la cause de plus en plus difficile, mais de plus en plus nécessaire, cause à laquelle j’ai la conscience d’être demeuré absolument fidèle.

Recevez, je vous prie, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma considération respectueuse et distinguée.

Hyacinthe Loyson Prêtre »

Frère Christophe-André Marty


Sommaire