Ce jour-là, le Président de la République Jules Grévy (1807-1891) et le Ministre de lIntérieur Pierre Waldeck-Rousseau (1846-1904) signaient un Décret autorisant les membres du Conseil de direction de lÉglise Gallicane fondée par lAbbé Hyacinthe Loyson (1827-1912) à ouvrir au culte leur chapelle alors située au numéro 3 de la rue dArras à Paris.
Dans une France encore régie, rappelons-le, par le cadre strict du régime concordataire, comment lAbbé Loyson et ses fidèles obtinrent-ils cette autorisation ?
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Juridiquement dabord, elle se fonda sur larticle 3 du Décret du 19 mars 1859 portant sur les autorisations demandées pour lexercice public des cultes non reconnus par lÉtat. Le voici :
- « Si une autorisation est demandée pour lexercice public dun culte non reconnu par lÉtat, cette autorisation sera donnée par nous, en Conseil dÉtat, sur le rapport de notre Ministre de lIntérieur, après avis de notre Ministre des Cultes. Les réunions ainsi autorisées pour lexercice public dun culte non reconnu par lÉtat sont soumises aux règles générales consacrées par les articles 4, 32 et 52 de la loi du 18 germinal an X (articles organiques du culte catholique) et 2 de la même loi (articles organiques des cultes protestants). Nos préfets continueront de donner, dans le même cas, les autorisations qui seront demandées pour des réunions accidentelles de ces cultes. »
Politiquement ensuite, elle ne fut rendue possible que parce que le pouvoir de lépoque connaissait parfaitement qui était lAbbé Loyson : un brillant prédicateur, un grand orateur, un excellent théologien et un sérieux réformateur catholique.
Enfin, elle fut aussi due aux propres manuvres de lAbbé Loyson qui avait particulièrement à cur de lobtenir. En témoigne la missive ci-dessous quil adressa au Ministre de lIntérieur Waldeck-Rousseau le 28 juin 1883 ; une lettre autographe signée inédite que je suis heureux de vous faire partager et que je conserve pieusement dans mes archives personnelles.
En voici la retranscription intégrale :
« Neuilly près Paris, le 28 Juin 1883. Boulevard dInkermann, 29
Monsieur le Ministre,
Vous avez bien voulu mautoriser à vous revoir très prochainement au sujet de la Société civile que nous désirons fonder pour la réforme morale et religieuse en France. Une circonstance particulière mengage à hâter encore cette entrevue. Je veux parler de léchéance du bail de notre chapelle de la rue dArras. Si nous ne prévenons pas le propriétaire avant samedi, 30 juin, dans la matinée, nous nous trouverons engagés de nouveau pour une période de trois années et pour une somme de dix-huit-mille francs, ce qui est considérable, eu égard à nos ressources limitées et précaires. Vous avez bien voulu me dire, Monsieur le Ministre, que vous vous renseigneriez au sujet des locaux dont, peut-être, il pourrait être disposé en notre faveur, après que nous aurions été reconnus. Si je pouvais avoir à cet égard une assurance de votre part, je résilierais immédiatement notre bail, qui nous laisse dailleurs jusquau 1er janvier prochain la jouissance du lieu consacré à notre culte.
Jaurai lhonneur de me présenter au Ministère pour être reçu par vous, demain matin, seul jour qui me sépare de léchéance du bail.
Luvre à laquelle jai consacré ma vie est avant tout, pour moi, une uvre de foi religieuse, mais elle est aussi, dans les conjonctures où se trouve la France, une uvre de prévoyance et de dévouement patriotiques. Si modeste quen soit encore la réalisation concrète, la réforme catholique est toute autre chose quune secte, elle représente une idée vivante et pleine davenir. Ceux qui vous ont précédé aux affaires, quil me soit permis de le dire, ne lont pas assez compris. Quelque chose me dit, Monsieur le Ministre, que vous serez plus clairvoyant et plus résolu. Je vous le demande au nom du grand pays que vous gouvernez dans la crise la plus décisive peut-être de son existence. Je vous le demande au nom de cette réconciliation de la religion et de la liberté, dont votre éloquent et digne père, à Nantes, en 1867, a bien voulu saluer en mon humble personne la cause de plus en plus difficile, mais de plus en plus nécessaire, cause à laquelle jai la conscience dêtre demeuré absolument fidèle.
Recevez, je vous prie, Monsieur le Ministre, lassurance de ma considération respectueuse et distinguée.
Hyacinthe Loyson Prêtre »
Frère Christophe-André Marty