J'ai évoqué dans un précédent chapitre les dons de voyance du Curé d'Ars, ceux-ci ne portent pas toujours sur des faits isolés.

Quand il affirme que la fin du règne de Napoléon III sera néfaste pour l'Eglise le Curé d'Ars émet, sans doute, plus une opinion personnelle qu'une prophétie; mais quand il affirme au Comte de Chambord: "Non, vous ne régnerez pas", il va sans dire qu'il énonce un verdict venu du Ciel.

De même l'on peut voir une importante vision sur l'avenir dans ce qu'il dit sur l'Eglise d'Angleterre dont il affirme - c'est Monseigneur Trochu qui nous le rappelle - "qu'elle retrouvera son ancienne splendeur".

Mais que penser des "Prophéties du Curé d'Ars" qui n'ont cessé de circuler depuis sa mort sous des titres divers... Parfois remaniées pour les besoins de la cause, elles émanent d'un religieux lazariste qui les reçut, dit-il, peu à peu à travers les grilles du confessionnal.

La vie vertueuse et dévote du Frère Gaben laisse de côté toute idée de supercherie et le Supérieur de sa congrégation note combien les propos du Curé d'Ars ne furent tirés qu'au compte-gouttes de la mémoire du bon frère:
- "Par modestie, écrit-il, il n'aimait pas en parler."

En quoi consistaient ces révélations ?... En voici trois fragments:

Premier fragment:

"Ce ne sera pas long. On croira que tout est perdu et le Bon Dieu sauvera tout. Ce sera un signe de jugement dernier. Paris sera changé et aussi deux ou trois autres villes. On voudra me canoniser mais on n'en aura pas le temps."

Ceci ne peut que se rapporter à la guerre de 1870, elle fut courte, elle désespéra bien des gens. Mais la France se ressaisit et les changements furent nombreux dans tous les domaines: politique, littéraire, scientifique, religieux même avec la proclamation par le Vatican de l'infaillibilité du Pape.

Une seule phrase peut surprendre: "ce sera un signe de jugement dernier"... Qu'est-ce que Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney peut bien entendre parune telle expression ? Certainement pas le jugement final de l'Humanité, puisqu'il n'est qu'au premier volet d'une série de prédictions.

Il ne dit pas: "ce sera le jugement dernier", mais: "ce sera un signe"... En 1870, il se passe, en effet, des choses d'une extrême gravité et quoi de surprenant qu'un être comme le Curé d'Ars réalise combien les événements de cette époque vont peser lourd dans la balance du jugement final de Dieu.

Quand ce premier fragment fut reproduit en 1929, par Monseigneur Trochu, la guerre de 1870 était loin et celle de 1914-18 l'avait suivie. Mais ceux qui vécurent la guerre de 1940 purent y retrouver des échos du:

Second fragment:

Cité dans le même livre, page 596:

- "Les ennemis ne s'en iront pas tout à fait. Ils reviendront encore et ils détruiront tout sur leur passage. On ne leur résistera pas, mais on les laissera s'avancer, et, après cela on leur coupera les vivres et on leur fera éprouver de grandes pertes. Ils se retireront dans leur pays, on les y accompagnera et il n'y en aura guère qui rentreront. Alors on leur reprendra ce qu'ils auront enlevé et même beaucoup plus".

Monseigneur Trochu ne donne ici qu'un condensé; en 1916 on distribuait aux soldats les prophéties du Curé d'Ars pour leur donner du courage et au début de 1918 paraissait: "La Fin de la Guerre et la Prophétie du Curé d'Ars" - E. Duplessy - Paris - Ed. Tequi.

Le texte du second fragment semble bien concerner la guerre de 1940, l'avancée nazie et ses destructions suivie du très large blocus et de la sévère punition que subit une Allemagne envahie et mise à sac.

Mais il y a un

Troisième fragment:

Il concerne des événements futurs, là le Curé d'Ars aurait dit au Frère Gaben que les événements cités plus haut ne mettraient pas un point final aux malheurs de notre pays... Ecoutons-le:

- "La grosse affaire n'est pas passée. Paris sera démoli et brûlé, pas tout entier cependant. Cette fois on se battra pour de bon, car la première fois les français ne se seront pas bien battus; mais alors comme ils se battront! Oh! Comme ils se battront. Les ennemis laisseront bien brûler Paris et ils en seront contents. mais on les battra et on les chassera pour tout de bon."

Cette prophétie sur la destruction partielle de la capitale de la France en rejoint beaucoup d'autres. Dans ses notes, Monseigneur Truchemotte soulignait l'avoir souvent entendue commenter en Bourgogne par ses grands-parents qui possédaient comme la plupart des gens de l'époque, un de ces manuels attribués au Curé d'Ars où l'on retrouvait sur l'ossature que je viens de décrire tous les apports classiques du cycle du "Grand Monarque".

Chapitre 9
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