La Foi permet de se construire, de se structurer. Elle fait appel à un système de valeurs sur lesquelles repose notre vie. Elle permet davancer, dimaginer, créer, agir avec les autres. Cest aussi un moteur, une énergie qui nous pousse et nous permet de dépasser nos limites. Elle se révèle sous de multiples facettes : foi religieuse, foi dans la vie, foi dans les autres, foi dans ses rêves, etc.
Essayons de comprendre.
En matière de religion, la Foi du chrétien repose sur un texte fondamental appelé Credo (en latin), ou Symbole de la Foi (en français). Il en existe plusieurs versions dont les plus connues sont :
1) Le Symbole des Apôtres ; texte souvent appris dans lenfance au catéchisme, et qui contient un résumé des vérités essentielles transmises par les Apôtres de Jésus à lEglise. Cest en quelque sorte la première « profession de foi » du chrétien. Dans lEglise Gallicane de Gazinet, lors de la célébration du baptême, il est lu devant lassemblée par le prêtre, avec le parrain et la marraine de lenfant qui va être baptisé.
2) Le Symbole de Nicée-Constantinople ; texte du Credo récité lors de la célébration de leucharistie dans la plupart des Eglises chrétiennes (catholiques, orthodoxes et protestantes). Dans le rite gallican de la messe en usage dans nos paroisses, cest à dire le rite de Gazinet, il est toujours récité par lassemblée durant loffice. On se met debout, par respect pour le texte qui va être proclamé. Il est lu dune voix ferme, car il exprime une adhésion aux valeurs quil porte.
Le Symbole de Nicée-Constantinople tient son nom des deux grands premiers conciles oecuméniques (cest à dire réunissant tous les évêques de la terre habitée). Les Pères conciliaires composèrent la première partie en 325, dans la ville orientale de Nicée (province de Marmara dans la Turquie actuelle), puis la seconde en 381 dans la ville de Constantinople (anciennement Bysance, aujourdhui Istambul en Turquie). Le symbole de Nicée-Constantinople est aux Eglises chrétiennes ce que la Constitution est à un pays : le texte de référence qui porte nos valeurs fondamentales.
Ces écrits dont nous avons reçu le dépôt à travers les âges, dans la succession des générations, sont une composante de notre patrimoine spirituel. Ils appellent notre respect. Chacune des phrases qui les composent ont une signification particulière. Elles peuvent être développées et approfondies ensuite par la réflexion et la méditation. Elles renseignent le chrétien sur la nature de Dieu, la vie de Jésus, limportance de lEglise, du baptême, etc.
Le Symbole des Apôtres et celui de Nicée-Constantinople ont leur importance, nous lavons vu, dans la Foi du chrétien, mais les textes des quatre Evangiles (Mathieu, Luc, Marc et Jean) sont aussi de nature vitale pour lintelligence de la Foi.
Dans lEglise Gallicane de Gazinet, un texte des Evangiles est toujours lu et commenté lors de chaque office religieux. Il donne la vie, si je puis mexprimer ainsi, car il exprime la pensée de Jésus. Il est aussi témoignage de ses actions, de ses miracles, de son enseignement. Il rend le Christ présent. Le prêtre qui le commente durant la messe a le devoir den extraire la « substantifique moelle », cest à dire ce qui va nourrir, alimenter la foi de ses paroissiens. Cest une grande responsabilité, car il est évident quil ne sagit pas de raconter nimporte quoi. LEvangile porte des valeurs fondamentales sur lesquelles reposent lessentiel de la Foi chrétienne : lamour de la vie, des autres, louverture desprit, la compassion, la tolérance, lindulgence, la bonté, le courage, le dépassement de soi.
Dans nos paroisses, la prédication est toujours quelque chose de spontané. Le prêtre partage et fait rayonner auprès de ses paroissiens quelque chose qui vit et fait partie de lui. Le premier devoir de formation dun séminariste qui aspire à la prêtrise est donc de bien simprégner des Evangiles. Ils doivent être comme une sorte de « seconde nature » en lui. Ils permettent déviter les écueils des intégrismes et fondamentalismes qui sont autant de pièges sur le chemin du sacerdoce. Le christianisme est fondamentalement un courant damour vivant. Comprendre cela, cest faire un grand pas en avant sur le chemin de la spiritualité, cest découvrir lâme de lEglise.
Croire en Dieu, prétendre à une spiritualité, cest aussi croire en la vie et laimer, ne pas céder aux fantômes de la peur : croire que demain il fera jour, croire que lon peut aller au bout de ses rêves. Cela conduit dune certaine façon au dépassement de soi, de ses limites. Cela nest possible quavec de lamour, un idéal porté par lespérance dune vie meilleure et plus heureuse.
Nous sommes fondamentalement des êtres affectifs, cest notre nature profonde. Nous dépendons des sentiments, du regard que portent les autres sur nous. Un enfant ne peut se développer harmonieusement quà condition dêtre nourri et soutenu par lamour des siens. Cela lui donne de la confiance, il sent quil nest pas seul.
En parcourant les Evangiles, nous pouvons comprendre que nous ne sommes pas seuls. Le Dieu révélé par Jésus se présente comme un Père bienveillant qui ne juge pas. Il sauve, sans poser de conditions, parce que telle est sa nature. Il ne faut donc pas sétonner si Jésus ne propose que deux commandements à suivre, pour parcourir le chemin de la foi : lamour de Dieu et celui du prochain. Et les deux sont semblables, indissolublement liés. Il ne peut y avoir lun sans lautre, car selon le témoignage de Jean : « Dieu est amour ». Et toujours selon lapôtre : « celui qui naime point ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 4,8)
Aimer cest vivre, vivre cest aimer. Le problème de lêtre humain, cest quil complique toujours ce qui devrait rester simple. La part dombre qui est en nous, ce que les Ecritures appellent le péché ou le mal gênent laccomplissement, ne favorisent pas lépanouissement de cette lumière vitale appelée amour. Il semble même parfois que toute la bonne volonté du monde ne soit pas suffisante pour atteindre cet idéal.
Cest une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de la foi. Elle est une force, elle nous permet dabord de nous battre contre nous-même, de passer outre cette part dombre qui empêche davancer et complique les choses. « Nos vrais ennemis sont en nous-mêmes » écrivait le grand évêque gallican Bossuet.
Nous possédons tous le libre arbitre, un tempérament particulier. Cela détermine des attitudes vis à vis des autres et de la vie. Certains senferment dans légoïsme, jugent sans comprendre, sans rien connaître, sans écouter. Ils ressassent des rancunes qui se transforment en haines, créent un climat lourd et pesant qui génère le vide autour deux. On ne dira jamais assez combien lignorance est porteuse de mal. Dautres tendent des bras secourables, évitent de gaspiller leur énergie dans la critique, ne se posent pas en victimes permanentes, gardent le sourire et vont de lavant, parce quils considèrent que demain sera de toute façon meilleur quaujourdhui.
Dans la vie il existe certes une part de fatalité que nous navons pas choisie et qui nous limite (capital santé, milieu de vie, caractère, événements extérieurs, etc), mais la foi est chemin de perfection. Il y a toujours moyen de repousser ce qui nous enferme, parfois avec de lourdes chaînes. Cest une façon de défier, de dominer et conjurer le destin.
Comme nous ne vivons pas seuls sur une île déserte, nous avons besoin des autres et les autres ont besoin de nous. La vie sociale suppose un partage, une mise en commun des talents pour avancer. Nous navons pas les mêmes aptitudes, capacités, potentialités. Dans certains domaines nous faisons la différence, dans dautres nous sommes « très légers ». Depuis la nuit des temps lhumanité a compris que sa survie était liée au groupe. La mise en commun des talents est une nécessité vitale.
Cette mise en commun des qualités suppose la confiance. Pour compter sur une personne, il faut avoir confiance en elle. On en revient toujours à la foi : croire. Mais pour cela il faut se connaître mutuellement, sapprécier. Compter sur quelquun, cest dune certaine façon croire en lui. Souvent lespérance est nécessaire, car certains talents mettent du temps à germer, puis à se développer. Lorsquun jeune grandit par exemple, les parents devinent des qualités dont les enfants nont pas encore conscience. Et, selon le mot du poète : « lespérance nous fait voir ce qui nest pas encore, mais qui sera. » Arrive enfin le moment où la chenille sort de sa chrysalide pour devenir papillon. Cest encore le « vilain petit canard » du conte dAndersen qui met longtemps avant de devenir un cygne magnifique.
La foi doit sappuyer sur lespérance pour exister, elle est reliée à lamour. Et selon le texte inspiré de lApôtre Paul, « lamour espère tout, croit tout, supporte tout, endure tout. » (1 Corinthiens 13,7) En introduction de sa lettre, Paul prend bien soin de préciser que la foi sans amour, cest du néant. Croire cest avoir confiance, avoir confiance cest aimer. Un lien se crée entre deux personnes. Dans la confiance il y a de lattachement et du respect.
Quelles que soient les cultures ou les religions, lhomme a besoin de croire. Lorsque les communautés de croyants, les groupes humains, même sils sont de religions différentes arrivent à se parler, à prier ensemble, cela signifie que ce qui les unit est plus grand que ce qui les divise. Par la foi en des valeurs communes, ils peuvent y arriver. Pour évoluer, lHumanité a besoin de croire et de sappuyer sur des valeurs communes, ou alors elle est condamnée à disparaître.
Quest-ce qui peut unir les hommes sur lessentiel ? Le bonheur dexister, de vivre ensemble, de se rencontrer pour mieux se connaître. Ajoutons une bonne dose douverture desprit, dattention, découte, de tolérance, de respect et de fraternité, et cela peut fonctionner. Il suffit dy croire, et dun peu de bonne volonté.
La religion, lorsquelle est mal comprise, peut être la pire des choses. Elle conduit aux guerres, au règne de la barbarie, aux inquisitions et aux excommunications de toutes sortes. En revanche, lorsquelle fait appel au meilleur de lhomme, à ce qui le rend plus humain, plus simple, plus fraternel, elle le tire vers le haut, vers la lumière.
Croire pour exister, pour se donner du courage et de la motivation, pour avancer, nest-ce pas là quelque chose de fondamental ? Parfois je me demande même si parmi tous les mammifères de cette planète, lhomme est la seule créature capable davancer par la foi et laffectivité ? Le chien qui parcourt 800 kilomètres pour retrouver sa maison, celui qui se laisse mourir sur la tombe de son maître, ou léléphante qui après avoir vu mourir son petit dans le désert revient pour retrouver ses os, et passer ensuite un long moment dans une sorte de « prière silencieuse », à cet endroit, nous interpellent, nous, humains, sur létendue de la vie, et de la conscience.
Ce que nous savons sur la foi, lespérance et lamour, est sans doute bien pauvre en regard de ce qui nous reste à découvrir, dans cette vie ou dans la vie éternelle à venir.
Mgr Thierry Teyssot