Parmi les gens ayant frôlé la mort certains reviennent avec des récits étranges : sensation de quitter son corps, de se retrouver dans un tunnel sombre d'où l'on sort pour atteindre une lumière qui rayonne d'amour, projection du film de sa vie avec le sentiment très net d'un bilan...

Ces témoignages interrogent, autant le croyant que l'incroyant. Depuis plus d'une trentaine d'années des scientifiques du monde entier tentent de comprendre, recueillent des témoignages. Le nom d'EMI (expérience de mort imminente) a été donné à ces phénomènes.

Essayons de comprendre.

Deux témoignages en Préambule

Les deux récits publiés ici proviennent de la revue "Science et Vie" (hors série n° 236 de septembre 2006). Ils font partie d'une somme de témoignages recueillis par le docteur Jean-Pierre Jourdan, médecin travaillant depuis vingt ans sur ce sujet.

- "Je roulais en voiture derrière un camion, s'est souvenu l'un de ses patients, quand une pierre a été projetée à travers le pare-brise et m'a atteint au front. Au moment du choc, j'ai vu une lumière violente, et j'ai eu l'impression de me trouver dans de la ouate, avec un mouvement en spirale qui allait en s'accélérant. Il n'y avait pas de son, mais je percevais une sorte de rythme, un peu comme une locomotive. Puis une lumière laiteuse, dorée, douce, chaude, tendre, rassurante, accompagnée de la disparition de toute sensation désagréable. J'avais une impression de paix indestructible. Je me suis retrouvé ensuite au plafond d'une chambre. J'ai vu un pauvre type avec des tubes et des fils. C'est en reconnaissant un grain de beauté que je me suis dit : "mais c'est toi !" J'ai vu le personnel changer les perfusions, nettoyer la chambre. Puis j'ai éprouvé le besoin de sortir de cette pièce. Je me souviens avoir visité l'hôpital, en m'amusant à voler dans les escaliers ! J'ai pu vérifier après coup que les endroits que j'ai visités existaient bien et j'ai reconnu les gens qui s'étaient occupés de moi lorsque j'étais dans le coma."

Le second témoignage est celui d'une jeune fille de dix-sept ans épuisée par des angines et la pratique d'un sport intensif.

- "Après avoir grimpé deux escaliers, je suis tombée inconsciente dans la maison de mes parents, se souvient-elle. Je me suis retrouvée dans une douce pénombre, un genre de tunnel. Au fond, une lumière "appelante" et vers la droite comme une possible fuite, une autre possibilité. Je me souviens m'être répétée à plusieurs reprises "je ne suis pas prête, je ne suis pas prête", et je me suis retrouvée d'un seul coup dans la maison à nouveau, mais comme collée au plafond, regardant l'escalier qui descendait et mon corps allongé. J'ai alors "vogué" librement, je suis descendue d'un étage et j'ai vu ma sœur écrire à sa table, puis mon père étendu sur son lit, qui lisait la page 71 d'un livre de science-fiction. Je l'ai vu se redresser d'un coup et je l'ai suivi. Il a vu mon corps au sol et est parti chercher sa trousse de médecin. Il m'a frappée brutalement, j'observais tout, au-dessus, et j'ai été très surprise de ressentir son inquiétude. Il m'a injecté quelque chose en me parlant, je n'entendais pas sa voix distinctement. Mais d'un seul coup je me suis retrouvée à l'intérieur de mon corps avec une douleur forte. J'ai crié je pense. L'accident cardiaque n'a pas dû durer plus de quelques minutes, 4 ou 5 selon mon père. Je suis restée allongée avec des vertiges toute la journée. J'ai pu dire à ma sœur ce qu'elle écrivait quand je me suis "promenée" dans sa chambre, et à mon père quelle page il lisait et retracer ce qu'il avait fait pendant l'intervalle de temps où j'ai perdu connaissance. Ces faits ont été avérés par eux."

Des récits de ce type, aussi singuliers, il en existe des milliers… Depuis la sortie en 1975 d'un livre devenu un best-seller mondial - "La vie après la vie" du docteur Raymond Moody, médecin ayant le premier abordé l'étude de ces cas si troublants - les enquêtes ont fleuri sur le sujet. Les lecteurs désireux d'accéder à d'autres témoignages pourront consulter le site internet de l'association Iands France, spécialisée dans l'étude de ces phénomènes : http://iands-france.org.pagesperso-orange.fr/FRAMES/frame.html

Un sondage rapporte que 15 millions de personnes aux USA auraient vécu ce type d'expérience. Selon l'association Iands France, entre 15 et 35 % de personnes s'étant trouvées dans une situation voisine des frontières de la mort développeraient une EMI. Il ne s'agirait donc pas de quelque chose "d'inhabituel".

Dans mon entourage proche je connais deux personnes ayant vécu ce type d'expérience. J'ajoute qu'en vingt-cinq ans d'exercice du ministère de prêtre j'ai reçu à plusieurs reprises des confessions relatant des EMI.

Quelques Observations

Il a été remarqué que les témoignages d'EMI sont donnés de la même façon quelque soit l'âge, le sexe, la race, le pays, la culture, la religion ou l'absence de religion. Ce dernier point est à souligner...

Il n'y a pas non plus de notion de culpabilité ou de péché lorsque la personne se trouve face à la "lumière d'amour" évoquée dans la plupart des récits. Il n'y a pas également de jugement. Par contre si une personne revoit sa vie avec le mal fait à tel ou tel il existe le sentiment exact du mal accompli avec toutes les conséquences et implications dans la vie d'autrui, même celles que la personne ne pouvait imaginer lorsque le mal a été fait.

La "lumière appelante" évoquée dans le témoignage de la jeune fille de dix-sept ans est souvent associée à une sorte de "guide", "d'être de lumière bienveillant" que chacun interprète selon sa religion. Un chrétien peut y voir un ange. Autre élément singulier, beaucoup de personnes disent que ce n'est pas de la lumière, mais de l'amour, quelque chose de très fort qui dépasse tout ce que l'on peut imaginer en terme d'amour sur terre. Parfois les personnes qui vivent ce type d'expérience rencontrent des personnes chères décédées, également présentes dans cette lumière.

Il existe un faible pourcentage d'EMI vécues de façon très négative, avec un contenu effrayant ou désespérant. Elles sont rares mais il est important d'en préciser aussi l'existence pour être tout à fait objectif.

Esquisse d'une typologie

En parcourant les témoignages des livres ou des sites internet consacrés à ces expériences on peut relever plusieurs étapes :

Le début du phénomène génère souvent une sensation de bien-être apaisant, malgré le "sentiment d'être mort", ou presque…

Il existe une grande lucidité pendant l'expérience et les témoignages s'accordent pour dire qu'elle semble aussi réelle, voire même plus que la vie de tous les jours. Les personnes concernées font la différence avec un rêve, et pour ceux qui en ont été victime, d'une hallucination.

Le sentiment de ne plus être à l'intérieur de son corps est pleinement vécu et ressenti. Par exemple les personnes se voient de l'extérieur, regardent la scène de leur réanimation (lorsque cela arrive à l'hôpital) et sont capables de mémoriser et décrire le personnel présent, les dialogues, les gestes accomplis, les appareils employés.

Autre singularité, la vision semble beaucoup plus large que celle que nous connaissons habituellement. Concrètement les personnes qui vivent cette expérience ont une vision à 360°, avec la possibilité de voir de plusieurs endroits à la fois, de voir les objets "en transparence", de voir "dans toutes les directions à la fois", de se déplacer "comme un zoom instantané". Il existe même des témoignages de personnes aveugles qui ont "vu" pendant cette expérience.

Les personnes concernées étant la plupart du temps déclarées "cliniquement mortes" ou dans le coma, les "organes des sens" sont à chercher ailleurs… Tout se passe comme si la conscience pouvait survivre hors du corps avec de nouvelles possibilités.

Ainsi de nombreux témoignages s'accordent pour déclarer que lors de ces expériences les personnes ont "volé" dans la pièce où se trouvait leur corps, qu'elles regardaient comme collées depuis le plafond, qu'elles pouvaient traverser les murs, entendre les conversations situées dans une autre pièce et rapporter des détails de scènes se déroulant ailleurs dans le bâtiment.

N'y aurait-il pas comme le passage de la conscience dans une autre dimension avec cette même conscience disposant de nouvelles capacités ? Nous vivons dans un univers à trois dimension (hauteur, largeur, profondeur) auquel s'ajoute depuis Einstein une quatrième dimension : le temps. La théologie admet le principe de "cieux invisible" : les "cieux des cieux" (selon l'expression poétique de la préface de la messe dans la liturgie gallicane), séjour des anges, archanges, trônes, dominations, principautés, puissances, chérubins, séraphins. Une cinquième, une sixième, voire une septième dimensions, etc (englobant les autres comme des poupées russes) sont-elles possibles ? Le théologien n'a pas de difficulté à l'accepter. Pour la science on commence à l'admettre car l'hypothèse existe depuis longtemps, mais il est encore difficile de le prouver ? Prenons l'exemple de cette singularité de l'univers qu'on appelle trou noir. On sait comment il déforme l'espace et le temps. Eh bien selon de nouvelles théories ils ouvriraient la porte vers de nouvelles dimensions, d'autres univers… Il reste beaucoup à découvrir et à explorer.

Les Cieux des Cieux

Remarquons tout d'abord qu'en hébreu ciel se dit et s'écrit toujours au pluriel: - sâmayin; les cieux. Et Jésus a maintes fois - dans les Evangiles - parlé du royaume de son Père, qu'il appelle: "royaume des cieux"... La plupart des paraboles du Seigneur commencent d'ailleurs ainsi: "le royaume des cieux est comparable à..." Comment en effet définir et mettre en équation l'indéfinissable, pour les êtres limités que nous sommes? Alors Jésus utilise le langage des paraboles. Parfois il se veut très direct et beaucoup plus clair: "il y a beaucoup de demeures dans le royaume de mon Père" (Jean 14,2).

Par ce pluriel de "cieux", l'univers biblique suggère des hauteurs étagées, hiérarchisées, une vie abondante, extrêmement diverse, une activité intense. Dans d'autres cultures on ne conçoit le ciel que comme une sorte d'enveloppe, comme le revêtement du monde terrestre. Pour le peuple de la Bible, les cieux sont tout autre chose qu'un plafond ou un décor étendus sur l'agitation des hommes.

La physique moderne a depuis longtemps émis l'hypothèse d'univers parallèles au nôtre, c'est à dire de continuum spatio-temporels différents se trouvant sur ce qu'on pourrait appeler d'autres "longueurs d'ondes". Que sont les habitants de la cinquième, de la sixième, de la septième, voire de la huitième dimension ? Là où la physique n'est pas encore en mesure d'apporter de réponse la théologie et la mystique ont déjà balisé le terrain.

Un célèbre Père de l'Eglise du IIème siècle - l'évêque de Lyon Saint Irénée - affirme: "Le monde se compose de sept cieux. Y habitent les Vertus, les Anges et les Archanges; ils remplissent les fonctions du culte envers le Dieu bon et créateur de tout. C'est pourquoi est abondante l'habitation de l'esprit de Dieu. Le prophète Isaïe (Isaïe 11,2) énumère sept formes de son culte qui ont reposé sur le Fils de Dieu, le Verbe, au moment de son Incarnation. La première est la Sagesse: elle contient toutes les autres. Moïse en a donné le modèle dans son candélabre à sept branches." (Démonstration Apostolique 12,761)

Ces lignes patristiques lèvent le coin du voile sur des horizons d'une grande richesse. Ajoutons que les révélations de Saint Paul sur le troisième ciel que l'Apôtre appelle déjà paradis (2 Corinthiens 12, 1-4), et qui serait le séjour des bienheureux dans l'attente de la parousie (retour du Christ) et du jugement final de l'Humanité sont aussi éloquentes.

Passage vers d'Autres Rives

Revenons aux témoignages des personnes ayant vécu des EMI. Dans la majorité des cas intervient à un moment donné une sorte de passage vers une autre réalité. La personne se sent plus ou moins aspirée dans un tunnel sombre qui débouche sur une lumière décrite avant tout comme de l'Amour.

Ensuite intervient la notion de seuil à ne pas dépasser, faute de quoi le retour en arrière n'est plus possible. Dans le même temps les personnes revoient l'ensemble de leur vie ou simplement des moments clés. Cette "relecture" de la vie se fait souvent avec la compagnie bienveillante d'un guide. Cet accompagnateur peut-être associé à une sorte "d'ange", d'être de lumière bienveillant. Parfois ce sont des parents disparus ou d'autres défunts connus et aimés du témoin qui remplissent cette fonction.

La "relecture de vie" est parfois orientée par le ou les accompagnateurs vers des points précis, mais sans porter de jugement. Autre singularité rapportée par les témoins, la possibilité de "revivre" des moments clés de sa vie selon différents points de vue, celui du témoin mais aussi d'autres personnes présentes, avec les conséquences précises de tous les actes et de leurs aboutissements. De nombreuses personnes indiquent également la possibilité d'accès à un savoir universel, le sentiment de comprendre tout l'univers et tout ce qui existe, parfois aussi l'accès à des évènements futurs d'ordre personnel qui se vérifient par la suite. La distorsion de la dimension "temps" peut expliquer le phénomène. En revanche, pour ce qui concerne l'accès à un savoir universel tout disparaît lors du retour à la vie terrestre.

L'expérience se termine lorsque la personne comprend qu'il lui faut revenir d'où elle vient, avec souvent le sentiment ressenti d'une tâche (mission) à finir.

Aucun des témoins ne sort "indemne" de cette expérience. La plupart des personnes revoient totalement leur système de valeurs et deviennent plus altruistes, rejetant les enjeux de pouvoir et de domination. Il leur est souvent difficile d'en parler par peur d'être regardés comme des personnes bizarres par leur entourage.

Des Témoignages Extraordinaires

Le témoignage suivant a été recueilli par un médecin cardiologue des Etats Unis, le docteur Michael Sabom. D'abord septique sur la réalité des EMI il a ensuite recueilli et étudié de nombreux cas qui l'ont fait changer d'avis. Il a publié en 1983 un ouvrage abondement documenté sur le sujet.

L'ablation d'un anévrysme cérébral géant situé à la base du cerveau d'une de ses patientes est à l'origine de ce témoignage. L'intervention a eu lieu en Arizona en 1991, dans le service de neurochirurgie de l'hôpital Phoenix. La patiente s'appelait Pam.

- "J'ai entendu un bruit mécanique.. Ça m'a fait penser à la fraise du dentiste. C'était comme si le bruit me poussait, et finalement je suis sortie par le haut de ma tête. Dans cet état, j'avais une vision extrêmement claire de la situation. J'ai remarqué que mon médecin avait un instrument dans la main qui ressemblait à une brosse à dents électrique. Il y avait un emplacement en haut, ça ressemblait à l'endroit où on met l'embout. Mais quand je l'ai vu, il n'y avait pas d'embout. J'ai regardé vers le bas et j'ai vu une boite. Elle m'a fait penser à la boite à outils de mon père quand j'étais enfant. C'est là qu'il rangeait ses clés à douilles. A peu près au moment où j'ai vu l'instrument, j'ai entendu une voix de femme, je crois que c'était la voix de ma cardiologue. Et la voix disait que mes veines étaient trop étroites pour évacuer le sang, et le chirurgien lui a dit d'utiliser les deux côtés."

"Je ne suis pas restée là plus longtemps, j'ai soudain senti une présence, et quand je me suis retournée, j'ai vu un minuscule point lumineux. Il semblait très très éloigné. Et quand je m'en suis approchée, j'ai entendu ma grand mère m'appeler. Je suis aussitôt allée vers elle, et elle m'a gardée tout près d'elle. Et plus je me rapprochais de la lumière plus je commençais à voir des gens que je reconnaissais. J'étais impressionnée par le fait que ces gens avaient l'air merveilleux. Ma grand-mère n'avait pas l'apparence d'une vieille femme. Elle était radieuse. Tout le monde avait l'air jeune, sain, fort. Je dirais volontiers qu'ils étaient de la lumière, comme s'ils portaient des vêtements de lumière, ou comme s'ils étaient faits de lumière. Je n'ai pas été autorisée à aller très loin, ils me gardaient près d'eux. Je voulais en savoir plus sur la musique, sur le bruit d'une chute d'eau, sur les chants d'oiseaux que j'entendais, et savoir pourquoi ils ne me laissaient pas aller plus loin. Ils ont communiqué avec moi. Je n'ai pas d'autres mots pour exprimer cela, car ils ne parlaient pas comme vous et moi. Ils pensaient et j'entendais. Ils ne voulaient pas que j'entre dans la lumière, ils disaient que si j'allais trop loin ils ne pourraient plus me relier à mon moi physique. Puis mon oncle m'a ramené en bas, à travers le tunnel. Pendant tout le voyage j'ai intensément désiré retourner dans mon corps. Cette idée ne me posait pas de problème ; je désirais revenir vers ma famille. Puis je suis arrivée à mon corps, et je l'ai regardé, et franchement, il avait l'air d'une épave. Il avait l'air de ce qu'il était : mort. Et je n'ai plus voulu y retourner. Mon oncle m'a communiqué que c'était comme sauter dans une piscine. Vas-y, saute dans la piscine ! J'étais toujours réticente à le faire, et puis il s'est passé quelque chose que je ne comprends toujours pas aujourd'hui. Il a accéléré mon retour dans le corps, en me donnant une sorte de coup. Comme quand on pousse quelqu'un dans la piscine. Et quand j'ai touché le corps, c'était comme un bassin d'eau glacée, et je n'oublierai jamais, mon corps a fait comme ça. (elle a un sursaut)".

Sur six heures d'intervention, l'opération au niveau de l'anévrysme dure une demi heure. Techniquement, pendant l'action, aucune goutte de sang ne doit circuler dans le cerveau sinon la moindre pression sanguine dans l'anévrysme déclenche une catastrophe. On place donc le cerveau en hypothermie à 15,5°, ensuite on le vide de son sang. L'activité du cerveau est surveillée et enregistrée, de même ce qui se passe dans le tronc cérébral. L'intervention du chirurgien et des autres personnels médicaux elle-même est enregistrée.

La confrontation du récit de la patiente et des enregistrements de l'intervention permet de situer le moment exact où s'est développée l'expérience d'EMI. Hors à cet instant précis le cerveau était vidé de son sang afin de permettre l'intervention sur l'anévrysme. Le Docteur Sabom explique :

- "Nous avons les enregistrements médicaux du moment ou cette EMI s'est produite, c'est l'une des premières fois que ça arrive. Nous pouvons étudier l'activité électrique du cerveau. Nous pouvons aussi étudier tout ce qui s'est passé dans le corps au moment où nous savons que cette expérience s'est produite. Cela nous permet de répondre à des questions telles que : L'EMI est-elle déclenchée par une crise du lobe temporal, ou par une certaine activité électrique dans le cerveau ? Eh bien la réponse est non, car les ondes cérébrales étaient plates et le tronc cérébral inactif au moment précis où cette expérience avait lieu".

L'activité du cerveau ayant cessé durant cette période il est évident que la conscience de la patiente durant son expérience ne pouvait être le résultat d'une activité cérébrale particulière. Il n'y a pas d'explication à ce phénomène, sinon de constater que dans certains cas la conscience peut persister même si le cerveau ne fonctionne plus... Cela défie la logique et le bon sens !

Voici maintenant un autre témoignage, peut-être plus émouvant que les autres ; il concerne un couple ayant partagé et vécu des moments terribles liés à la maladie et à la mort. Pourtant, de grandes raisons d'espérer et de croire se dégagent de ce récit. C'est ce qui est le plus important et lui donne vraiment une force extraordinaire :

- "Mon mari, Jean-Marie, est décédé le 8 septembre 92, à l'âge de 45 ans d'un cancer professionnel dû à l'amiante, à la suite de deux ans et demi de souffrances. Institutrice, j'avais moi-même 40 ans et nous avions deux enfants de 9 et 7 ans. En février 90, mon mari a commencé à souffrir d'une pleurésie au poumon gauche. Après maintes ponctions, les pneumologues de l'hôpital de Rouen en ont décelé la cause : l'amiante. Mon mari était chaudronnier. Au mois d'août 90, on lui a enlevé la plèvre gauche. J'ai reçu une éducation athée et bien qu'ayant beaucoup lu au sujet des diverses religions, je n'avais eu, jusqu'à ce jour d'août 90, aucune démarche spirituelle.

Mon mari était donc en réanimation après l'opération et je ne pouvais lui rendre visite, uniquement avoir des renseignements sur sa santé par téléphone. J'étais donc à la maison, seule, le matin, tricotant au bout de ma table, lorsque j'ai senti autour de moi une ou plusieurs présences très fortes, avec beaucoup de bonheur qui m'envahissait. On doit pouvoir appeler cela un état de grâce. L'idée de Dieu entrait en moi sans aucune hésitation possible. Je pensais intérieurement aussitôt : "Pourquoi moi alors que mon mari souffre tant et qu'il aurait plus besoin de cette aide ?" On m'a répondu que c'était pour moi, mais aussi pour lui afin de le mener jusqu'au bout du chemin. En même temps je comprenais qu'il n'y aurait pas de rémission et que d'ici quelque temps il allait mourir. Je n'étais pas triste.

Cet envahissement m'a apporté une grande sérénité qui ne m'a plus quittée depuis cette époque.

Quelques jours plus tard, le chirurgien m'a confirmé en tête à tête que malheureusement le péricarde était déjà pris et que le cancer allait donc continuer à se propager. On m'a dit que c'était un cancer à évolution rapide mais sans réellement me fixer d'échéance. Cela n'a pas entamé ma force qui grandissait. Le seul doute que j'ai eu au début c'est que la douleur étant trop forte, ce soit mon inconscient qui y ait pallié et m'ait joué des tours. Ce doute, je l'ai évacué depuis longtemps. J'ai recommencé à lire, à rechercher des témoignages de foi pour comprendre, comparer et cette foi est toujours grandissante en moi. Chaque soir je me sentais appelée à prier, moi qui ne connais aucune prière, à essayer de donner mes forces positives pour aider d'une façon inconnue, par mon amour, tous ceux qui en ont besoin.

En décembre 90, alors que je faisais mes courses en grande surface, donc dans un environnement très matériel, je me suis sentie inondée d'amour. Je continuais à marcher comme si j'étais au-dessus du sol et je regardais tout avec d'autres yeux. Je tiens à préciser que je ne prends aucun médicament et donc que je n'ai subi aucune influence chimique. Mon mari n'a jamais su la gravité de son état. Il se persuadait qu'il allait guérir et a lutté jusqu'au bout en effectuant de nombreux travaux à la maison malgré les douleurs physiques. Il ne travaillait plus à l'extérieur depuis février 90. Une ou deux fois je lui ai parlé un peu de ma foi qui s'était installée. Il m'a dit qu'il comprenait et ne s'en moquait pas, que son père était très croyant mais que malheureusement lui n'était pas touché, ce qu'il regrettait. J'ai donc vécu cette foi comme un secret.

L'état physique de mon mari s'est dégradé avec un manque d'air de plus en plus fort. Le mois d'août a été très dur pour lui, mais je ne m'étendrai pas sur tous les détails. Fin août, il est allé quelques jours à l'hôpital pour une ponction abdominale. Le foie était pris, puis il est revenu à la maison, ce que je souhaitais. Il avait toujours espoir. Nous avions des bouteilles d'oxygène à la maison, mais cela ne servait pas à grand-chose puisque les poumons ne ventilaient plus. Il avait une pleurésie à l'autre poumon et j'avais compris que la mort viendrait par asphyxie, en plus de la dégradation du corps due au cancer. Mon mari prenait de la morphine par voie buccale depuis un an. Mais là, malgré sa force de caractère, sa volonté de ne pas dormir, de vivre, sans le lui dire, je lui ai caché le contenu des ampoules. L'infirmière est venue les derniers jours pour lui administrer des piqûres de morphine en plus de ses nombreux médicaments. Les 3 derniers jours, il ne pouvait plus monter à l'étage, donc, il dormait dans le salon, sur le canapé, et je m'étais installée un petit lit pour moi à côté. Dans la nuit du dimanche à lundi, il m'a sonnée avec une clochette, car dans ces moments-là il ne pouvait plus parler. Je me suis précipitée à côté de lui pour l'aider à se redresser.

Il a chuchoté : "Lumière, lumière". J'ai aussitôt pensé qu'il était angoissé et j'ai allumé le lampadaire pour le reste de la nuit.

Le matin vers 8 heures, donc le lundi 7 septembre, il était assis. Il respirait un peu mieux. Il m'a regardée et m'a dit "Je vais mourir la nuit prochaine, je suis déjà mort la nuit dernière, mais je suis revenu pour vous dire que Dieu existe. Cette nuit, j'étais dans un tunnel noir et au bout j'ai vu une lumière". C'est ce qu'il avait réussi à me dire la nuit, mais je ne l'avais pas bien compris. Je l'ai regardé et j'ai senti que le moment était venu. Je lui ai dit que je le savais depuis 2 ans et que cette nuit j'allais l'aider. La lumière au bout c'était Dieu. On l'attendait, ses parents décédés etc... Qu'il y aille, que la lutte était finie...

Mon mari n'avait rien lu à ce sujet et je ne lui avait jamais fait part de mes lectures. Cela va peut-être vous paraître choquant, mais cette journée a été pour moi la plus forte, la plus merveilleuse. Elle était l'aboutissement de notre amour déjà très profond auparavant. Nous avons passé en revue un maximum de questions matérielles, argent pour la maison, enterrement, incinération et bien d'autres choses. Il a voulu dire adieu à beaucoup de gens et surtout leur témoigner de l'Au-delà. Des amis, la famille ont défilé tout l'après-midi à la maison. Vous imaginez leur stupéfaction. Nous étions très calmes, surtout mon mari, illuminé. Il avait refusé la morphine dans la journée pour rester éveillé et lucide malgré ses souffrances. Enfin, vers 8 heures, mes deux enfants sont arrivés accompagnés par mes parents et il leur a transmis son ultime message "Vous ne verrez plus Papa, mais je serai là, à côté de vous, et vous protégerai tout le temps. Dieu existe, Maman vous expliquera." Il a donné tous les conseils pour une vie droite et juste. Et puis, à 23 heures 15, la douleur étant trop forte ainsi que la fatigue, ses deux meilleurs amis se sont retirés et l'infirmière est venue lui faire une piqûre de morphine. Nous l'avons installé sur le canapé sachant que lorsqu'il nous sonnerait, ce serait pour la fin du chemin.

A 2 heures 15, le mardi matin donc, j'ai entendu cette clochette. J'ai allumé et me suis précipitée. Il étouffait. L'air ne passait pratiquement plus. Je l'ai pris dans mes bras, assis, et lui ai parlé. Je lui ai dit de ne pas résister, que la Lumière était là, qu'on l'attendait. Tout s'est calmé. Il ne m'a pas quittée des yeux jusqu'à 3 heures 15. Son dernier souffle est parti dans l'apaisement. Je savais qu'il était, qu'il est toujours avec moi, dans moi.

Voilà, ceci est mon témoignage en la foi, l'Au-delà, Dieu. Il me semble tellement dérisoire d'écrire cela. Je pense que les gens de mon entourage ont peut-être été choqués de mon manque de désespoir par rapport à la situation, mais lorsqu'on vit cela, tout est différent. Je ne peux plus être profondément triste. Nous avons tous un chemin sur terre, souvent pénible, mais je sais qu'autre chose existe après, tellement différent, et que l'amour continue, indéfiniment au-dessus de tout.

Ce témoignage, trouvé sur le site http://iands-france.org.pagesperso-orange.fr/FRAMES/frame.html est le plus émouvant de ceux que j'ai pu découvrir. Comment y être indifférent tant il est rempli de tendresse et d'humanité ?

Approche Théologique

Dans la Bible, il existe plusieurs textes qui font référence à des expériences spirituelles où l'être humain est projeté dans une autre réalité. Par exemple cet extrait de la deuxième épître de l'Apôtre Paul à la communauté des Corinthiens :

- "Faut-il faire le fier ? Cela n'est sans doute pas convenable. J'en viendrai néanmoins aux visions et aux révélations du Seigneur. Je connais un homme dans le Christ, qui, voici quatorze ans – était-ce en son corps ? Je ne sais ; était-ce hors de son corps ? Je ne sais ; Dieu le sait - cet homme là fut ravi jusqu'au troisième ciel. Et cet homme là – était-ce dans son corps ? Etait-ce sans son corps ? Je ne sais, Dieu le sait - fut enlevé dans le paradis, et qu'il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer." (2 Corinthiens 12,1-4)

A la lecture de cette révélation de l'Apôtre le mot "extase" (du latin ex-stasis = hors de soi) vient instantanément à l'esprit. Tomber dans l'extase c'est quoi au juste ? Décomposons le ex-stase - autrement dit changement de lieu - la conscience est emportée ailleurs. Les récits de la vie des saints révèlent couramment ce type d'expérience : - "Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans l'épreuve, la royauté et la constance en Jésus. Je tombai en extase le jour du Seigneur". (Apocalypse 1,10)

En révélant ce grand secret de sa vie intérieure l'Apôtre Paul évoque l'une de ses visions, celle du troisième ciel. Que Paul soit l'objet de phénomènes mystiques, d'expériences spirituelles fortes n'est pas pour nous surprendre. L'Apôtre Jean par exemple vit la même expérience en rédigeant son Apocalypse. Ce qui interroge le lecteur c'est la similitude entre ces extases et celle des personnes vivant une EMI. Ces états de conscience modifiée où l'être humain accède à une autre réalité indiquent que le monde est bien plus grand que notre champ actuel de connaissance.

Ouvrons l'Evangile au moment de la transfiguration du Christ, le prodigieux se joint à l'humain :

- "Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean, son frère, et il les conduisit à l'écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux; son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. Et voici, Moïse et Élie leur apparurent, s'entretenant avec lui. Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : Seigneur, il est bon que nous soyons ici; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit. Et voici, une voix se fit entendre de la nuée avec ces paroles : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon amour : écoutez-le! Lorsqu'ils entendirent cette voix, les disciples tombèrent le visage contre terre, et furent saisis d'une grande peur. Mais Jésus, s'approchant, les toucha, et dit : Levez-vous, n'ayez pas peur ! Ils levèrent les yeux, et ne virent que Jésus seul. Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : Ne parlez à personne de cette vision, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité des morts." (Mathieu 17,1-9)

Par un acte extraordinaire de sa volonté Jésus ouvre les portes entre l'univers dans lequel nous vivons, et celui où vivent ceux et celles qui nous ont quitté. Les barrières sont levées, les frontières des mondes - pour un temps - sont abolies ! Pourtant Moïse avait disparu depuis 1200 ans et le prophète Elie vivait 600 ans avant l'ère chrétienne... Ce qui frappe encore dans ce récit, c'est le dialogue entre ces trois personnalités : Jésus, Moïse et Elie. La "Communion des Saints", cette formule utilisée dans le Symbole de la Foi (Credo des Apôtres), devient ici une réalité. Les défunts sont des vivants dans une autre réalité...

Prier les êtres aimés disparus, le Christ, la Vierge ou les Saints, c'est croire qu'ils ne sont jamais loin de nous. La Foi permet à notre esprit d'agir sans aucune limite. Lors de la fête de la Toussaint le 1er novembre ou le 2 pour le jour des morts, le missel des offices rappelle que l'Eglise est formée de trois parties : l'Eglise triomphante, celles et ceux qui sont déjà arrivés au paradis du troisième ciel, l'Eglise souffrante, constituée par les âmes en peine de l'au-delà (le purgatoire), l'Eglise militante, les vivants sur la terre. Dans la "Communion des Saints" ces trois composantes peuvent dialoguer dans la prière et par la Foi, s'aider mutuellement. Les racines de l'Eglise plongent autant dans le terrestre que dans le céleste.

Il existe une autre singularité dans les expériences d'EMI sur laquelle nous souhaitons nous arrêter quelques instants : l'impression de connaissance totale. Dans la Bible, avec la Pentecôte et la venue de l'Esprit-Saint nous voyons les Apôtres parler des langues qu'ils n'ont pas apprises. Le don de science - l'un des sept dons de l'Esprit-Saint - développe en eux ce charisme, potentialité qui se retrouve dans la vie des saints comme dans l'épisode surprenant où Madame Mathieu (la célèbre thaumaturge de Gazinet) parla en polonais à un enfant de dix ans et lui chanta une berceuse. Elle affirma par la suite ne pas savoir un seul mot de cette langue, mais que la Sainte Vierge lui avait dicté.

Dans les expériences d'EMI nous retrouvons l'accès à un savoir universel, le sentiment de comprendre tout l'univers et tout ce qui existe, comme par une sorte de "science infuse". Le témoignage suivant, trouvé sur le site http://iands-france.org.pagesperso-orange.fr/FRAMES/frame.html est édifiant à ce sujet. On y découvre même une sorte "d'identification" à tout ce qui existe. Lisons-le pour comprendre :

- "Il y a eu une forêt. J'ai d'abord eu une vue panoramique de la forêt, puis ensuite cette impression "d'entrer" dans le détail des arbres, jusqu'à la cellule, cette impression d'arriver à l'intimité de l'arbre. C'est plus que visuel, c'est une impression de.. personnification. Ça ne s'est pas passé que pour les arbres, mais aussi pour les rochers, pour une simple vitrine de magasin. C'est assez curieux, c'est une impression de comprendre la matière, l'impression d'être les deux à la fois, moi même et l'arbre, les rochers. Par exemple, quand j'étais l'arbre, j'avais la notion qu'autour de moi il y avait des espèces hostiles. Le problème, sur le moment, c'est qu'on a une espèce de connaissance totale. Tout semble évident donc il est difficile d'être curieux - mais c'est ce qu'on en rapporte - il faudrait pouvoir tout noter !"

- "Je me suis trouvé dans une grotte. Elle n'était pas éclairée, pourtant tout était clair, parfaitement clair sans aucune lumière... C'était la grotte des Trois Frères, je l'ai su après. Ça s'est passé de la même façon que pour les arbres ou les rochers, les symboles qui étaient sur les parois et leur signification étaient évidents pour moi, ils faisaient partie de moi. Plusieurs années après, je suis allé à une conférence où une spécialiste devait parler de la symbolique des peintures rupestres. Je suis resté pour discuter avec elle après sa conférence, elle m'a demandé sur quel chantier je travaillais ! Comment lui expliquer que je n'avais jamais mis les pieds dans une grotte, ni lu le moindre livre là dessus ?"

Cette impression de connaissance totale, caractéristique des EMI est aujourd'hui encore inexplicable pour un esprit cartésien. En terminant cette étude je me dis que ces expériences hors du commun dépassent notre science et les limites de notre cerveau, tout simplement...

Pour le croyant il me semble qu'elles sont un réconfort et une raison de plus d'espérer en un monde meilleur. La vie est déjà un mystère, souvent prétexte à bien des émerveillements. Nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises.

Mgr Thierry Teyssot


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