L'espérance nous fait voir ce qui n'est pas encore mais qui sera.

Telle une lueur d'espoir dans les profondeurs de la nuit, cette petite phrase imprimée sur les cartes de communion des enfants du catéchisme porte en elle le germe de l'Espérance. L'espoir s'appuie sur les seules forces humaines, l'Espérance se tourne directement vers Dieu. Elle cherche la lumière de sa formidable Présence.

La Foi chrétienne vit d'Espérance, elle est foncièrement optimiste. Des problèmes, elle ne veut retenir que les solutions. Elle exprime aussi une forme de contact avec ce que Jésus appelle: le "royaume des cieux". Au plus profond de nous, dans ce qu'on appelle le coeur, dans cet espace intérieur où se révèle la sensibilité, l'âme parle avec Dieu. Cette relation vivante est par nature affective, elle est prière, élan de l'âme vers celui que l'Apôtre Jacques appelle: le "Père des lumières" (Jacques 1,17).

Il n'est pas toujours facile de faire comprendre aux gens en quoi la Foi chrétienne est par nature vivante, à des années lumières de la froide philosophie. La Foi, l'Espérance et l'Amour (les "trois vertus théologales") révèlent des sentiments qui habitent notre monde intérieur. Bien sur ils doivent porter témoignage à l'extérieur: "Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux" enseigne l'Evangile (Mathieu 5,16).

Peut-on croire sans avoir confiance ? Dans le lit de ce sentiment extraordinaire naissent et croissent l'Espérance et l'Amour. Un couple qui s'aime, ce sont des personnes qui se font confiance. Sans confiance il n'y a pas d'amour, ni projet, ni espérance.

La raison est-elle l'ennemi de la Foi ? Augustin d'Hippone, un des plus grands penseurs chrétiens des quatrième et cinquième siècles réconcilie et unit ces deux différences: "Je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire" déclare l'immense docteur de la grâce.

L'Humanité d'aujourd'hui peut-elle préserver l'Espérance ? C'est à cette question que nous allons nous efforcer de répondre maintenant.

Les Espérances Déçues

Le passé a été porteur d'innombrables espérances. Celles-ci se sont parfois incarnées dans des personnages qui ont fait la grandeur et la force de notre pays. Un homme de bien au commande d'une nation c'est, pour reprendre l'expression évangélique, comme un peu de "levain dans la pâte". Il actionne les leviers qui conduisent les peuples dans le bon sens.

En tant que chrétiens gallicans arrêtons-nous un instant pour rendre hommage à la mémoire du roi Henri IV. Le "bon roi Henri", selon la célèbre expression de nos manuels scolaires, incarne la tolérance religieuse dans l'époque troublée des guerres de religions. Son humanisme et sa finesse politique ont enfanté en 1598 ce monument de clairvoyance et d'intelligence qu'est "l'édit de Nantes". Les démons de la Saint Barthélemy y furent vaincus. Ils ne se réveilleront qu'avec la monarchie absolue de Louis XIV qui, en 1685 révoquera cet édit de tolérance et d'unité nationale.

Si la main d'un fanatique n'eut mis fin en 1610 à la vie du grand monarque, son esprit de tolérance religieuse eut façonné une Europe nouvelle. Selon l'historien Henri Martin, "la politique de la France, alliée des protestants sans être absorbée dans le protestantisme, triomphant avec le concours de toute la Réforme étrangère et française, eût été engagée sans retour dans des voies d'équité internationale, de liberté intellectuelle, de tolérance religieuse." - "Henri IV emporta dans la tombe, non seulement le système européen qu'il voulait inaugurer, mais tous les éléments d'ordre et de puissance qu'il avait rendus à son pays." - "martyr de la plus sainte des libertés, de la liberté de conscience." (Histoire de France - Tome dixième, pages 570 et 571)

Henri IV
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Moins d'un siècle plus tard, le règne de Louis XIV prend le contre-pied des réformes généreuses initiées par le flamboyant béarnais. La révocation de l'Edit de Nantes, en voulant instaurer par la force l'unité religieuse du pays conduit à une catastrophe. Les féroces persécutions perpétrées contre les protestants aboutissent à l'émigration des forces vives du royaume. Toujours selon Henri Martin, "c'est réellement l'activité de plus d'un million d'hommes que perd la France, et du million qui produisait le plus." (Histoire de France - Tome quatorzième, page 64).

Cette plaie béante n'est-elle pas un signe avant-coureur de la Révolution de 1789 ? La question reste ouverte. La disparition prématurée d'Henri IV emporte l'espérance d'un idéal de tolérance religieuse et de l'Europe nouvelle, retardant de plusieurs siècles l'apparition d'une véritable tolérance, comprise dans la liberté de conscience.

L'histoire du monde est marquée par bien des retards. Les espérances déçues en sont cause. Plus souvent qu'il n'y paraît l'action d'un fanatique retarde la marche du progrès de l'Humanité. Faut-il y voir la main de celui que Jésus appelle le "prince de ce monde" (Jean 14,30) ? Force est de constater qu'il ne faut pas sous-estimer ce pouvoir de nuisance, ici-bas. L'assassinat de Jean Jaurès à la veille de la guerre de 1914-18, celui du Mahatma Gandhi en 1948 ou encore celui du premier ministre israélien prix Nobel de la paix Ytzak Rabin en 1995 symbolisent ces espérances déçues, fauchées par des extrémistes de tous bords.

A chaque fois le cours de l'Histoire est changé en mal par ces disparitions soudaines. Elles matérialisent des blessures dans le camp de l'Espérance. Les peuples français et allemands réalisent aujourd'hui le rêve de l'Europe nouvelle, fraternelle et oublieuse des guerres, mais sur le sacrifice des millions de morts du vingtième siècle. Lorsque le train du monde prend du retard, c'est que l'Espérance est oubliée sur le quai. Il faut souhaiter aux peuples palestiniens et israéliens de pouvoir également accomplir au Moyen-Orient le rêve de l'Europe actuelle. Le pardon et la volonté de vivre ensemble peuvent être plus forts que les démons de la haine. Les peuples français et allemands en portent à présent témoignage.

Eschatologie Biblique

A maintes reprises les Evangiles annoncent des phénomènes catastrophiques précédant le retour du Christ. Faut-il accepter ces prédictions à la lettre ? N'est-ce pas prendre aussi le risque de tuer l'Espérance ?

En premier souvenons-nous de cet extrait de l'Ecriture: "la lettre tue, mais l'esprit vivifie" (2 Cor. 3,6). Le respect de la Parole de Dieu n'empêche pas l'interprétation des textes. Le Tentateur se sert de la Bible pour éprouver Jésus au désert (Mathieu 4,6). Le Seigneur lui répond en citant les mêmes textes dont il est imprégné, c'est un combat de théologiens. La sagesse, l'intelligence, une certaine forme de recul pour situer les phrases dans leur contexte sont donc nécessaires pour toute lecture biblique. Ne nous laissons pas entraîner dans une interprétation à sens unique des textes sacrés, cela réduit le champ de vision.

En second n'oublions pas que les prophéties ne sont pas des fatalités. Le récit biblique du prophète Jonas en porte témoignage. La volonté divine peut changer d'orientation quand l'Humanité oeuvre dans le bon sens.

Enfin il semble bien au final que l'être humain récolte d'abord ce qu'il sème (Jacques 1,14 et Jean 3,19).

Pour en revenir au sombre tableau évoqué par le Christ (Mathieu 24 - Luc 21,7-36 - Marc 13,4-32), retenons avant tout l'avertissement: - faire attention, pour que notre monde ne connaisse pas le sort du célèbre Titanic qui a percuté l'iceberg... Le scénario peut et doit être changé !

Un Monde Meilleur

Les nouveaux cieux et la terre nouvelle décrits par le livre de l'Apocalypse (21,1) et par la deuxième épître de l'Apôtre Pierre (2 Pierre 3,13) impliquent-ils la destruction de notre planète ? Un chrétien ne peut accepter pareille idée sans sourciller. Comment ! Des millions d'années d'évolution pour en arriver là, quel gâchis ! Evidemment certains rétorqueront que ce "nouvel univers" promis par les Ecritures laisse entrevoir l'Espérance d'un monde meilleur. J'avoue me contenter difficilement d'une telle réponse. Quel constat d'échec pour le genre humain et son Créateur. Le monde meilleur est toujours à bâtir, me semble-t-il, et au présent. Partout où notre regard se pose, et en tous lieux sur la terre, la vie cherche toujours des solutions. Elle n'attend pas que le ciel lui tombe sur la tête.

Tout se transforme, tout évolue, tout s'adapte; dans la mer, sur terre et dans les airs. La vie matérialise en permanence l'intelligence. L'ingénieur divin est un être extraordinaire.

Comment préserver l'Espérance par une attitude passive et défaitiste ? La Foi chrétienne se nourrit de Foi (confiance), d'Espérance et d'Amour. La crucifixion du Christ suppose-t-elle ensuite celle de la planète tout entière ? L'Espérance chrétienne a-t-elle besoin de cela ?


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