La transmission de la Foi chrétienne repose en partie sur la mémoire vivante de l'Eglise, transmise de génération en génération. Il ne s'agit pas d'une philosophie, encore moins d'un dogmatisme abstrait, mais d'une Foi qui illumine et nourrit le coeur de l'intérieur.

Prenons cet exemple pour mieux comprendre. Aux séances d'ouverture du premier concile oecuménique de Nicée en 325 (l'assemblée des évêques qui fixèrent les termes de la première partie du Credo de la messe), assistaient en curieux des philosophes païens. L'un d'eux intervenait sans cesse dans les débats et embarrassait les évêques par la subtilité de ses arguments. Alors se leva un simple laïque, très vieux et illettré, le corps marqué par les stigmates des persécutions. Il demanda la permission de parler. Les païens éclatèrent de rire, les évêques craignirent que cet homme ignorant les rendit plus ridicules encore. "Au nom de Jésus-Christ", dit l'illettré, "philosophe, écoute-moi. Il n'y a qu'un Dieu créateur des cieux et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles. Il a tout fait par la vertu de son Verbe et tout affermi par la sanctification de son Esprit. Ce Verbe, nous l'appelons le Fils de Dieu. Pris de pitié pour l'égarement des hommes, il est né d'une Vierge, il a vécu parmi les hommes, il a souffert la mort pour les en délivrer. Il viendra un jour pour être le juge de toutes nos actions. Nous croyons simplement toutes ces choses. N'entreprends point inutilement de combattre des vérités qui ne peuvent être comprises que par la Foi; n'essaie point en vain de t'informer de la manière dont elles purent être accomplies. Réponds-moi seulement si tu crois."

Les rires avaient cessé. Une joie immense resplendissait maintenant sur les visages. Alors vint cet évènement prodigieux; le philosophe païen, au comble de l'étonnement, répondit: "Je crois". Puis, se tournant vers ses disciples: "Suivez l'exemple de ce vieillard. Une inspiration divine m'a poussé à embrasser la Foi de Jésus-Christ."

Ainsi commença le concile de Nicée.

La Mémoire de l'Eglise

Le vieillard illettré dont l'intervention décida la conversion d'un érudit philosophe païen incarnait la mémoire de l'Eglise, vivante dans le peuple de Dieu.

Depuis la prédication des Apôtres, le peuple baptisé avait toujours confessé que Dieu, le Dieu unique et indivisible qui est Père et Fils et Saint-Esprit (Mathieu 28,19), a créé les cieux et la terre. Il savait que créer n'est pas multiplier les formes dans une matière informe préexistante, mais tout faire de tout à partir de rien, tirer du néant, provoquer l'apparition du non-être à l'être, faire apparaître et multiplier ce qui n'existait pas. Il savait encore, ce peuple baptisé, et avec un infini respect, que Jésus-Christ est de Dieu, qu'il est Dieu, donc incréé. Créateur, oui; créature, non. Incréé. Pleinement Dieu; et en même temps pleinement homme, car: "le Verbe s'est fait chair" (Jean 1,14).

Deux siècles et plus avant Nicée, l'un des témoin de Jésus-Christ, le disciple bien -aimé, l'apôtre Jean écrit en prologue de sa première épître: "Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie - et la vie s'est manifestée, et nous avons vu, et nous témoignons, et nous vous annonçons la vie." (1 Jean 1,1-2).

Avec le témoignage de Jean, réalisons que la Foi chrétienne ne repose pas sur une idée, mais bien sur une personne, Jésus-Christ. "Nos mains ont touché le Verbe de vie" écrit - avec un infini respect - le disciple bien aimé.

Les Déviances de la Foi

Ce que les déviances de la Foi des premiers siècles ont d'étonnant peut s'exprimer de la façon suivante. S'ils ont vraiment lu les saintes Ecritures, des hommes comme Arius, Nestorius, Eutychès et maints autres, qui étaient des personnages religieux, comment ont-ils pu dévier de la Foi, et l'ayant fait, comment ont-ils pu rester dans cette déviance ?

Rappelons que le premier concile oecuménique de Nicée en 325 a combattu la doctrine d'Arius, qui ne voyait en Jésus-Christ qu'un homme et par conséquent niait sa divinité; que le troisième concile oecuménique d'Ephèse en 431 a combattu la doctrine de Nestorius qui considérait que Jésus était un homme sur qui la divinité serait seulement descendue vers l'âge de trente ans, lors du baptême de Saint Jean-Baptiste (Nestorius rejetait par conséquent la maternité divine de Marie); que le quatrième concile oecuménique de Chalcédoine en 451 a combattu la doctrine d'Eutychès qui ne voyait qu'une seule nature en Jésus-Christ, la divine, et bien entendu pas de nature humaine.

Le quatrième Evangile, celui de Jean - le disciple bien-aimé - anéantit l'arianisme, le nestorianisme et le monophysisme dès les premières lignes, dès les premiers mots.

"Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu" (Jean 1,1). Comment, cela étant écrit et transmis dans le Saint-Esprit, Arius a-t-il pu affirmer une création du Verbe, faire du Logos une simple créature ? De toute évidence, la divinité du Verbe s'inscrit dès le commencement dans la mémoire de la Foi.

"Toutes choses ont été faites par Lui, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans Lui. En Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas saisie" (Jean 1,2-5). Ecrivant par Saint Jean, le Saint-Esprit insiste avec une force évidente, tangible, sur la divinité du divin Logos, Verbe coéternel. Or cet Evangile fut écrit deux siècles avant qu'Arius enseigne sa doctrine. On était "du Christ" parce qu'on confessait le Christ Dieu.

"Il y eut un homme envoyé de Dieu dont le nom était Jean - (verset relatif à Saint Jean-Baptiste) - il n'était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage à la lumière" (Jean 1,6-8). Distinction claire et définitive entre ce qu'est et fait une sainte créature, et ce qu'est et fait le Verbe, appelé Lumière parce qu'il est Dieu, non créé.

"C'était la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant en ce monde. Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l'a pas connu. Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu; à ceux qui croient en son Nom, qui ne sont pas nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu" (Jean 1,9-13). S'affirme ici l'action de la divinité du Verbe, autrement dit la grâce. S'affirme ici encore, la présence du Verbe au monde: il y est, on ne Le reçoit pas... Première clé pour la compréhension du phénomène de déviance de la Foi.

Les déviances de la Foi naissent de ce que l'Evangile de Dieu n'est pas fait pour être lu comme un traité de philosophie ou d'histoire, mais - avant tout - pour être reçu. Le vieillard illettré du Concile de Nicée, la multitude de ceux qui ont cru à travers le passage des siècles en sont des signes, des témoins. Tous ont reçu cette Lumière, en plein visage, de plein fouet. Elle les a ensuite illuminé et nourri de l'intérieur.

"Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous" (Jean 1,14). Contre Nestorius: c'est le Verbe Lui-même qui s'est incarné; non pas deux "Christs", deux personnes en Lui, mais Lui totalement. Contre Eutychès: Il s'est fait chair; il est donc de deux natures, divine et humaine; non pas Dieu seulement, mais Dieu et Homme.

Telle est la mémoire de Foi confiée à l'Eglise.

Le Symbole de la Foi

La tradition orale de l'Eglise, consignée par les Pères, rapporte qu'avant de se disperser dans les différentes parties du monde pour y semer l'Evangile, les Apôtres composèrent un résumé de la Foi ou Symbole: le Symbole des Apôtres.

"Ce que l'Eglise Universelle a toujours cru, et ce qui n'a été établi par aucun concile, nous vient des Apôtres." (Saint Augustin dans: "Du baptême contre les donatistes" - livre 4,24)

Tertullien va plus loin en disant que la formule baptismale qu'il nomme "le serment aux drapeaux des chrétiens", remonte au Christ Lui-même; Saint Irénée parle d'une "règle de la vérité" que tout néophyte reçoit dans le baptême.

Le Symbole:

Je crois en Dieu le Père tout-puissant
Créateur du ciel et de la terre
Et en Jésus-Christ Son Fils unique Notre Seigneur
Qui a été conçu du Saint-Esprit
Est né de la Vierge Marie
A souffert sous Ponce Pilate
A été crucifié
Est mort et a été enseveli
Est descendu aux enfers
Est ressuscité des morts le troisième jour
Est monté aux cieux
Est assis à la droite de Dieu Le Père tout puissant
D'où il viendra juger les vivants et les morts
Je crois au Saint-Esprit
A l'Eglise Une, Sainte, Universelle et Apostolique
A la communion des saints
A la rémission des péchés
A la résurrection de la chair
A la vie éternelle.

Ce texte sacré est sous notre sauvegarde. Depuis des siècles les parents le transmettent aux enfants... Cette pieuse transmission s'appelle: La Tradition.

L'Eglise est gardienne de la Tradition. Il appartient aux Evêques, successeurs des Apôtres, de veiller à ce que rien ne soit déformé dans cette Tradition.

Dans l'Eglise Gallicane, ce Symbole de la Foi est appris par tous les enfants du catéchisme, il est aussi récité par les personnes présentes lors de la célébration de chaque baptême. Lors de la célébration du sacrement, le prêtre qui conduit la cérémonie souligne que les chrétiens aiment à proclamer ces vérités essentielles. Elles doivent accompagner la réception d'un sacrement aussi vital pour la Foi.

La célébration de la messe permet également aux chrétiens d'affirmer leur Foi à travers la récitation d'un Symbole plus élaboré. La liturgie du rite gallican de Gazinet inclut la récitation du Symbole dit de Nicée-Constantinople. On l'appelle ainsi parce que la première partie fut composée lors du premier concile oecuménique de Nicée en 325. La deuxième partie est l'oeuvre du deuxième concile oecuménique de Constantinople en 381.

Il est à noter que dans la plupart des diocèses gaulois du IVème siècle, on confessait la Foi de Nicée sans jamais avoir eu connaissance du Symbole composé en 325... C'était tout simplement l'exposé doctrinal venu des Apôtres. Les gallicans d'alors - peu concernés par la subtilité des discussions théologiques de Nicée - s'en tenaient à ce trésor reçu au baptême: "règle de la vérité", "serment au drapeaux des chrétiens". Ce n'est qu'en 354 que Saint Hilaire de Poitiers apprit l'existence d'un symbole de Nicée...

Le Symbole des Apôtres avait été composé, non pas écrit, sinon il aurait été inclus dans le recueil des saintes Ecritures. Les deux premiers conciles oecuméniques - en 325 et 381 - le fixèrent par écrit, pour fortifier les générations chrétiennes contre les déviances de la Foi, présentes et futures. Que l'on songe d'ailleurs que nombre de déviances de la Foi apparues au sein des nouveaux mouvements religieux d'aujourd'hui ne sont - ni plus ni moins - que des résurgences des théories d'Arius, Nestorius et Eutychès. Les chrétiens d'aujourd'hui sont-ils suffisamment formés et instruits pour faire le poids face à ces déviations actuelles ? Posons-nous la question.

Qu'ont donc fait les premiers conciles oecuméniques ? Ils ont saintement fixé sur le papier, avec de l'encre, la mémoire de l'Eglise inscrite depuis les Apôtres dans les coeurs baptisés. Il importe donc d'y être attentif.


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