Il est des mots qui font peur aux "bien pensants".

Dérivé de l’iranien, le mot grec magos a donné le mot français mage, qui a eu au cours des siècles des dérivés et des significations différentes. Les Evangiles semblent avoir donné un certain droit de cité aux adeptes de la "magie" en faisant venir à la crèche trois de ces initiés, sans doute appartenant à la chaîne religieuse de Zoroastre que certains auteurs ecclésiastiques ont identifié jadis au prophète Balaam. Bien que ni Balaam, ni Gaspard, ni Melchior et Balthazar ne puissent être considérés comme des hébreux, l’Eglise considère qu’ils représentent un courant avancé par rapport au paganisme et au polythéisme idolâtre.

Ne pas condamner en bloc tout ce qui est étiqueté "magie" oblige à distinguer une magie blanche par rapport à la magie noire, l’une reposant sur le maniement de forces encore mal connues de l’homme, l’autre ayant recours aux puissances sataniques pour forcer le destin.

Le dictionnaire indique au mot magie :

1) Science des mages.

2) Art par lequel on affirme produire des effets merveilleux à l’aide de formules et de rites dotés d’un prétendu pouvoir sur la nature, les dieux, les démons...

Nul doute que les mages de la Crèche ne répondaient pleinement à la première définition.

Mais le dictionnaire précise encore : magie blanche, qui soumet à l’homme des pouvoirs surnaturels, mais licites; magie noire, qui met les démons au service de l’homme...

Les mots n’ayant que la valeur que l’on leur prête, il semble bien que parler de magie blanche permet d’étiqueter les "pouvoirs licites" et de les séparer des "pouvoirs illicites"... A partir de là, il est facile de déduire que si les pouvoirs de la magie noire viennent des démons, ceux de la magie blanche ne peuvent venir que du Ciel et du monde angélique. En d’autres termes si les magiciens du pharaon d’Egypte firent de la magie noire en changeant leurs bâton en serpent selon ce que nous rapporte la Bible, pourquoi ne pas parler de magie blanche quand Moïse fait exactement la même chose pour les combattre ?

S’il en est que le mot effarouche ils peuvent en créer un autre, mais, en attendant, le fait d’utiliser l’expression de magie blanche évite d’utiliser de longues périphrases et de clarifier notre idée.

Saint Léonard, nous dit la vie des Saints, avait une formule qui faisait accoucher sans douleur ni risque : magie ? Le même faisait fondre par certains mots le fer comme la cire : magie ? Jacques de Rieti, nous disent les chroniques franciscaines, s’étant noyé, les frères de l’Ordre invoquent Saint François et le noyé se met à marcher au fond de l’eau comme sur la terre ferme. Il tire du fond de l’eau la barque qui avait coulé avec lui et revient à son bord jusqu’au rivage : magie ? On pourrait encore citer des centaines d’autres exemples : parchemins de protection donnés par Saint François : magie ? Saint Jude et Saint Simon font parler un nouveau né pour justifier un diacre accusé d’être son père : magie ?

Il n’est pas question de prendre un à un ces faits insolites pour dire lesquels ont vraiment eu lieu, lesquels ont été inventés ou déformés; ce qui importe c’est que durant près de deux millénaires l’Eglise a admis que de tels fait ont été possible et bien d’autres : stigmates, lévitations, bilocations, pouvoir de telle conjuration, action spéciale de telle relique.

Que l’on donne ou non à cela le nom de magie blanche, qu’importe... Beaucoup d’écrivains religieux modernes préfèrent parler de charismes spéciaux; le mot employé ne fait rien à l’affaire. Ce que je souhaite mettre en lumière c’est qu’après une attitude systématique de croyance en ces manifestations paranormales, l’on a adopté une attitude tellement matérialiste qu’elle nie tout en bloc.

- "Voici les miracles accompagneront ceux qui auront cru" (Marc 16,17) dit Jésus avant de quitter ce monde... L’Eglise des Apôtres et des Martyrs fourmillait de ces faits prodigieux, celle de Clovis et de Rémi ne cédait en rien sur la maintenance du merveilleux et celle des cathédrales eut elle aussi ses pages d’or et d’éblouissement.

- "Et il ne fit pas beaucoup de miracles, à cause de leur incrédulité" est-il écrit dans Mathieu (13,58); devant les récits de la Légende Dorée de Jacques Voragine le monde d’aujourd’hui crie à l’affabulation. La question à lui poser est celle-ci. De tels miracles ne sont-ils pas possibles ou bien ne sont-ils plus possibles à cause de votre incrédulité ?

Et n’est-elle pas malaisée à l’extrême la position de ces prêtres qui lisent tel fait prodigieux dans les Evangiles ou les Actes de Apôtres aux personnes présentes à leur messe et qui ensuite se font un devoir de traiter de superstition toute perdurance de ces faits prodigieux en notre siècle.

- "Mais, mon Père, tel saint de l’Eglise a bien reproduit telle action miraculeuse de Jésus : Sainte Elisabeth du Portugal a bien multiplié la cervoise pour en donner à tous, Sainte Bernadette Soubirous a bien tenu ses mains jointes sur la flamme d’un cierge et ceci sans se brûler le moins du monde".

- "Peut-être, mais vous me parlez là de grands saints".

- "L’époque des grands saints finit-elle de nos jours ? Mon Père; sincèrement croyez-vous qu’à l’époque ou tel grand saint a accompli tel ou tel miracle, il était déjà considéré comme un saint. Qui vous dit que dans votre Eglise même, il n’y a pas, en train de prier, un chrétien ou une chrétienne qui ait la potentialité de faire de très grands miracles ?"

- "Vous entretenez un climat dangereux de crédulité et de superstition".

Au Christ de nous départager :

- "En vérité je vous le dis, celui qui croit en moi, fera aussi les oeuvres que je fais, il en fera même de plus grandes parce que je m’en vais auprès du Père" (Jean 14,12).

Analysons une telle phrase : que nous annonce-t-elle sinon que les faits prodigieux qui accompagnèrent la vie de Jésus sont destinés non seulement à être reproduits, mais encore à être dépassés... S’ils ne le sont pas de nos jours n’est-ce pas simplement le signe que la croyance n’est plus celle qui est capable de susciter le fait prodigieux, que l’on a décentré l’Eglise de sa mission essentielle, matérialisée, politisée, assommée, mise à l’échelle d’un monde ayant perdu le sens du spirituel.

- "Mon Père, donnez-moi de l’eau bénite, une croix de Saint Jean pour mettre au dessus de ma porte, une médaille de Saint Benoît, du sel béni?"

- "Cela ne se fait plus".

- "Mais vos prédécesseurs agissaient ainsi et les grands Saints de l’Eglise ont toujours utilisé ces moyens, ils pensaient ainsi chasser les influences mauvaises, protéger les demeures et les personnes, favoriser l’action des anges".

- "C’était une autre époque, les saints dont vous parlez ont été pour une bonne part rayés du calendrier de l’Eglise et le rituel s’est délivré de certaines formules".

- "Mon Père, vous ne sortirez pas de ce problème : ou bien les saints de jadis n’avaient pas un comportement catholique, ou bien c’est vous qui avez adopté un autre comportement... Où est la continuation de ce que firent les Apôtres et les Saints ?"

Je sais qu’à ce point du dialogue, le prêtre "moderne" va me parler de l’action sociale de l’Eglise... Saint Pierre fut-il moins social en imposant les mains au paralytique ? Saint François d’Assise alla plus loin que quiconque au devant des pauvres et des déshérités, cela l’empêcha-t-il d’utiliser tous les moyens traditionnels utilisés par les Apôtres : imposition des mains, huiles de guérison, prières de délivrances, etc.

Mais si l’Eglise a su susciter une floraison de choses miraculeuses, cela se rattache à une série d’observances qui lui sont transmises par la tradition... Quand elle s’en écarte elle affaiblit son potentiel de miracles, quand elle y revient, elle le grandit.

C’est aussi simple que cela, il est important de ne pas l’oublier.


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