Soulevons le problème parfois controversé de la prière pour ceux qui sont morts.

Dans la Bible, le second livre des Maccabées donne l'exemple d'une invocation faite pour les défunts. Au chapitre douze, nous lisons que des soldats étaient tombés au combat après avoir commis le péché d'idolâtrie. Au verset 42 nous découvrons l'attitude de leurs compagnons:

- "Il se mettent en prière pour demander que la faute commise soit entièrement pardonnée".

Les versets 43 à 45 complètent la leçon de cet exemple:

- "Après quoi, il réunit des présents de tous les hommes, environ deux mille drachmes, et les envoie à Jérusalem pour offrir un sacrifice expiatoire. Il fait une très bonne chose de penser à la résurrection des morts, car si tous n'avaient attendu le retour à la vie des victimes, cela n'aurait servi à rien de prier pour eux. Il considérait en outre la bonne récompense qu'accorde l'Eternel pour ceux qui meurent en vibrant pour Lui. C'était une pensée sacrée et fervente et c'est pourquoi il offrait un sacrifice expiatoire pour les morts afin d'absoudre leurs fautes." (2 Maccabées 12,43-45)

Tradition ecclésiale

A l'époque apostolique la notion demeure qu'il faut prier pour les défunts et un rite existe même dans lequel quelqu'un se fait "baptiser" pour le mort... Il est permis de penser que ce baptême dont nous parle - sans prendre parti pour ou contre - l'Apôtre Paul (1 Corinthiens 15,29) est une simple plongée de purification semblable à celle que faisait Jean le Baptiste et non le sacrement institué par Jésus-Christ.

Quoi qu'il en soit la prière pour les défunts ne peut que rejoindre la célébration de la messe. Saint Cyrille de Jérusalem mentionne une prière faite à l'eucharistie pour les morts; il recommande cette pieuse pratique: "parce que je crois," dit-il, "que leur âme reçoit un très grand soulagement des prières qu'on offre pour eux".

A son lit de mort, Sainte Monique, mère de Saint Augustin, demande que l'on oublie pas son nom aux prières de l'autel. Arnobe, vers 327 dit des Eglises chrétiennes qu'on y prie: "pour les vivants et pour les morts". Saint Epiphane défend contre Arius l'usage des Eglises de commémorer les défunts et de prier pour eux.

Une idée intéressante est donnée par Saint Jean Chrysostome: "Job," indique-t'il, "offrait des sacrifices pour les fautes de ses fils, les messes que nous célébrons pour les défunts sont faites dans le même esprit. Ceux qui ont quitté ce monde continuent leur marche vers le royaume de Dieu. Continuons de leur venir en aide et de prier pour les morts, ne négligeons pas ce devoir."

Mais Saint Grégoire le Grand va tempérer cette doctrine en précisant que ces messes pour les morts ne sauraient être utiles à ceux qui se sont enfoncé trop loin dans la haine et dans le mal. "Ces messes ne sont utiles," déclare-t'il, "qu'aux seuls défunts qui durant leur vie ont mérité d'être aidés, même après leur mort, par les bonnes oeuvres que font les autres pour eux, ici-bas. Il vaut mieux," conclut-il, "faire soi-même le bien que de l'espérer des autres après sa mort."

La voie de sagesse à suivre en ce domaine semble être celle de Saint Grégoire: l'on ne saurait acheter le salut éternel en réglant des honoraires de messe, mais c'est un devoir de charité de ne pas laisser l'âme d'un chrétien qui a quitté son enveloppe terrestre, dans la solitude spirituelle.

Aide Spirituelle

Très tôt l'Eglise a créé des Obituaires, qui sont des registres sur lesquels elle inscrit les noms des défunts pour les retrouver aux anniversaires. Comment la prière pour les morts peut-elle leur venir en aide ?

Pour répondre en profondeur à cette question si souvent posée, nous devons progresser dans la connaissance de la "Communion des Saints". Cette affirmation du Credo, cette réalité de l'Eglise - "Corps mystique du Christ" - appelle de plus amples développement. Disons qu'une âme détachée de la vie terrestre est comme une abeille qui s'est éloignée de la ruche, elle lui reste en réalité unie par une télépathie constante et l'état dans lequel elle se trouve durant la période qui s'étend depuis la mort jusqu'à son jugement dernier permet toutes les suppositions théologiques. C'est volontairement que les Eglises chrétiennes ne donnent pas plus de précisions sur les fins dernières...

En effet il ne semble pas que le sort de toutes les âmes soit coulé dans un moule unique: "il y a beaucoup de demeures dans la Maison de mon Père" dit Jésus en (Jean 14,2), faisant ainsi pressentir que le sort des hommes ne sera pas robotisé.

Purgatoire ? Limbes ? Schéol ? Troisième ciel ? Septième ciel ? Réincarnation de certaines âmes? Missions spéciales données par le Ciel ? Les avis des Pères et des Docteurs de l'Eglise ont différé... "Dans les choses douteuses la liberté" nous conseille Saint Augustin.

Ce qui est important c'est de savoir que le chrétien peut faire élever l'hostie par un prêtre pour ce parent ou cet ami qui l'a quitté, qu'il en retirera non seulement un sentiment de devoir accompli, mais la perception plus ou moins grande - selon sa Foi - d'une "chaîne de présence" reliant ce défunt à lui-même. A cette âme passée "sur une autre longueur d'ondes", il va certes apporter quelque chose de très précieux, mais en retour cette âme aura la possibilité de lui envoyer quelque chose de tout aussi précieux, l'aide de sa propre prière: "jusqu'à" - nous dit Saint Paul - "ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la Foi et de la Connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ." (Ephésiens 4,13)

Ecueils à éviter

Depuis l'exemple de Moïse et d'Elie conversant avec Jésus lors de la Transfiguration (Mathieu 17,1-8), l'Eglise n'a jamais nié pouvoir établir des contacts entre les deux mondes: celui où nous sommes encore pour un peu de temps, et celui où ceux que nous avons aimé sont déjà. En ce sens, un évêque gallican du début du vingtième siècle - Monseigneur Houssaye (Abbé Julio) - a pu écrire que l'Eglise était: "La Grande Spirite"... Mais là encore, l'Eglise conseille de ne pas brusquer les choses... Elle compare les visites réconfortantes qu'ont reçu certains saints d'autres saints défunts (ceci par le seul don de la grâce divine), et les manifestations souvent déréglées de ceux qui veulent forcer par des procédés occultes les âmes des défunts à se manifester.

Elle ne peut que conseiller la prudence, la retenue, la sagesse. Elle rappelle que les forces démoniaques se cachent toujours derrière la recherche du merveilleux pour le merveilleux, alors que le merveilleux - en ce domaine comme en tous les autres - surgit sans effort pour celui qui "cherche d'abord le royaume de Dieu et sa justice" (Mathieu 6,33).

Telle personne va se procurer un guéridon, essayer de faire tourner les tables et risque fort d'être la proie de forces malignes qui vont se jouer d'elle où même de sa propre imagination. Une autre - au contraire - fera célébrer des messes pour ses défunts et aura un signe sans même l'avoir demandé. "Tout est pur pour les purs" écrit Saint Paul en (Tite 1,15) et les intentions de ceux qui se livrent à des pratiques étranges pour établir une communication avec un être cher, un saint, un disparu qui fut bienfaisant sur cette terre ne sont pas toujours condamnables. Mais ils feraient certainement mieux, plus efficacement et moins dangereusement en s'en remettant aux charismes ordinaires de l'Eglise.

Nous rapportions dans un précédent article comment Saint Germain, évêque de Paris évoquait parfois les morts. D'autres saints l'ont fait et n'ont pas cru mal agir, mais il faut tenir compte du haut degré de sainteté auquel ils étaient parvenus et qui les mettait à l'abri des divers "chocs en retour".

Par contre combien se sont approchés avec imprudence et témérité de ces choses et s'y sont détruits ! Que de dépressions nerveuses et de maladies mentales après des "séances" mues par la curiosité et la recherche de l'insolite.


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