Faisant suite à notre rubrique consacrée aux origines du rite gallican, ces précisions vont tenter d'apporter quelques réponses à des questions qui nous ont souvent été posées sur le pourquoi de telle ou telle pratique dans l'actuel rite gallican issu de Gazinet.

Le Baiser de Paix

Ce baiser a une valeur initiatique et sacramentelle primordiale et s'est maintenu longuement dans l'Eglise des Gaules. Le rite commençait par un baiser du célébrant à l'hostie consacrée... C'est le baiser du Christ, en effet, qui va être transmis à l'assemblée. (Voir Pontifical de Narbonne XIIIème siècle, missel manuscrit d'Auxerre, missel de Troyes, de Chartres, d'Autun de Reims)... Saint Augustin déjà demandait ce saint baiser: "Comme vos lèvres s'approchent de celles de votre Père, votre coeur doit se tenir uni à son coeur" (Aug. Serm. 217. al. 83.).

Il va sans dire qu'il serait difficile à nos Eglises contemporaines de rétablir le baiser sur les lèvres des premiers chrétiens, l'ancien missel gallican avant Charlemagne demande que "le baiser qui se fait sur les lèvres se fasse aussi dans l'âme et demeure dans le fond du coeur". C'est vers 1200 que l'on commença dans certaines régions de rompre avec l'usage du baiser de Paix... En France en le réduisant dans certaines paroisses aux personnes du même sexe "de peur de donner lieu à des pensées contre la pureté" durant 1286 et en Angleterre en introduisant un instrument liturgique: l'osculatoire.

Sous le Patriarcat de Mgr Giraud, ce fut le Père Jean Brouillet - curé de la chapelle Saint Jean-Baptiste à Bordeaux de 1936 à 1960 - qui fut l'artisan du retour au baiser de paix dans la liturgie gallicane issue de Gazinet.

Le Chandelier à sept branches

"Manifestant la puissance de Christ Vainqueur de la mort, voici la Procession de l'Evangile qui s'avance au milieu des sept cierges allumés du candélabre; ces sept lumières sont le symbole des sept dons de l'Esprit-Saint et aussi celui des lumières de l'Ancienne Loi vivifiée par le mystère de la croix" (Saint Germain de Paris - Première lettre).

La présence du Chandelier-Evangéliaire est depuis toujours un des éléments essentiels du Rite Gallican...

Hérité du Temple de Salomon, il est d'abord le rappel perpétuel des Sept jours de Dieu.

Les trois branches de dextre sont une action de grâce: le lundi, le mardi, le mercredi, l'assemblée remercie pour la joie du Dimanche passé; les trois branches de senestre sont une invocation: le jeudi, le vendredi, le samedi, l'assemblée se tourne vers le dimanche à venir... Au centre est la Branche essentielle: le jour Très Saint que l'Eternel nous donne pour le repos et la méditation... Ceci est le message de l'Ancien Testament, le Chandelier à Sept Branches est l'emblème de la Création.

Mais l'Evangile lui donne un sens nouveau, qui ne détruit pas l'ancien mais qui l'accomplit... Dans le baptisé, Dieu a mis la confirmation de ses sept jours: les sept dons de l'Esprit-Saint, les sept sceaux du livre dont il est parlé dans l'Apocalypse.

Le grand spécialiste des liturgies anciennes Archdale A. King écrit dans son chapitre sur le rite Gallican: "Une certaine solennité entourait le chant de l'Evangile du haut du tribunal Analogi ou Ambon. On chantait le Trisagion (Aius) pendant la procession et l'évangéliaire précédé d'un chandelier à sept branches, était couvert d'un voile" (Liturgies of the past - p. 216).

Les Neumes - Les Proses

Au bas de la page sept du livret de la messe gallicane de Gazinet figure cette note: "durant le silence des Neumes, nous écoutons Dieu en nous, puis nous disons les Proses."

Le mot Neumes est un mot grec, apparentable à pneuma... Il marque un souffle, une respiration particulière, une sorte d'état de réjouissance que Saint Augustin rend par le mot: jubilatio. "La jubilatio, dit le docteur de la grâce, n'est autre chose qu'un son de joie" (Aug. In psalm. XCLX). " C'est, dit-il ailleurs, "un langage ineffable" (Aug. In Ps. XXXII) c'est à dire qui ne peut se rendre en paroles.

Amalaire, Etienne d'Autun, l'Abbé Rupert expliquant les Neumes insistent sur la comparaison entre cet état de jubilation intérieure et celui des Bienheureux dans le Ciel... Le langage humain s'effondre pour faire place nette au Logos, au Verbe Fils de Dieu...

Avant que d'entendre la lettre de l'Evangile l'initié chrétien en perçoit à l'instant des Neumes l'esprit vivifiant. C'est dire l'importance des Neumes dans l'antique liturgie gallicane...

Cet instant de souffle chrétien propice à l'extase a été peu à peu étouffé par l'importance des Proses; il semble qu'après le contact neumastique l'assemblée primitive ait éprouvé le besoin de transmettre certains messages reçus sous le souffle de l'Esprit, et que ce soit là l'origine des Proses. Bien évidemment, cela ne peut exister qu'au sein d'une communauté forte dans la Foi, dans une assemblée profondément préparée et d'une haute élévation mystique... Raison pour laquelle, d'une façon pratique, les Neumes et les Proses sont absentes de nos liturgies paroissiales. Seule une communauté monastique pourrait développer raisonnablement ce type de charisme.


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