1. Saint Fort et Saint Martial - Sainte Véronique

Jusqu'au milieu du XVIIème siècle, les principales Eglises de France, se basant sur des traditions immémoriales, faisaient remonter leur origine aux temps apostoliques, et nul n'était jamais venu contester cette croyance.

A cette époque, deux hommes se rencontrèrent, qui s'imaginèrent de renverser les traditions.
Le premier est le chanoine Descordes, une des illustrations scientifiques du Limousin, qui étudiant la vie de Saint Martial, crut devoir rejeter au IIIème siècle l'époque de la mission de cet apôtre.
Le second est nommé Launoy, qui eut le triste privilège de recevoir d'un Pape l'épithète de impudentissime mentibus. Launoy attaqua lui aussi les traditions; il affirma que l'origine des principales Eglises de France ne remontait pas au-delà de la seconde moitié du IIIème siècle.

Cette imposture intellectuelle s'est malheureusement imposée en milieu historique et religieux et, les touristes ou les citoyens bordelais qui se procurent la plaquette d'information cultuelle imprimée par l'office du tourisme et le syndicat d'initiative de Bordeaux, lisent, à la rubrique Eglise Catholique (informations communiquées par l'archevêché catholique-romain):
"L'Eglise est née à Bordeaux au IVème siècle".

Non!

1) Laissons d'abord parler la tradition; nous recevrons ensuite confirmation de la science archéologique.

De l'Histoire des Archevêques de Bordeaux du Chanoine Lopès nous tirons ces notes: "Saint Martial est, d'après la tradition, l'enfant que le Sauveur bénit et au sujet duquel il dit ces paroles touchantes: "Laissez venir à moi les petits enfants". C'est encore lui qui portait les cinq pains d'orge que Jésus multiplia dans le désert.

Le jeune Martial s'attacha plus tard aux pas de Saint Pierre qu'il suivit à Antioche, puis à Rome. De Rome, Pierre l'envoya prêcher en Gaule. Mgr Cirot de la Ville a tracé la carte de l'itinéraire de Saint Martial. En voici les principales stations: Rome, Ravenne, Gracchianus (Colle en Toscane), Marseille, Bourges, Tours, Limoges, Angoulême, Sainte, Noviomagus (capitale du Médoc).

Le premier oratoire fondé à Bordeaux par Saint Martial, apôtre de l'Aquitaine, fut dédié à Saint Etienne. Il se trouvait en dehors des murs, à l'endroit où s'éleva plus tard l'Eglise Saint Seurin. Martial ayant fait quelques conversions dans l'enceinte même de la ville y établit un second sanctuaire. Il se proposait de le dédier à Saint Pierre dont il avait été le disciple; mais averti soudainement par une vision miraculeuse que l'apôtre Saint André venait "de souffrir en croix" pour Jésus-Christ à Patras, en Achaïe, il érigea cette église sous le vocable de Saint André.
Le Pape Innocent VIII consacre dans une bulle le fond de cette tradition. Il reconnaît que l'Eglise de Bordeaux est la première qui ait été fondée dans tout l'univers sous le vocable de Saint André."

2) L'archéologie va maintenant nous confirmer dans notre certitude de la présence d'une Eglise de Bordeaux au début du christianisme.

Le grand historien de Bordeaux, l'érudit Camille Julian a montré combien les vestiges du christianisme existent dans le sol bordelais dès le premier siècle de notre ère: - Graffitis en forme de croix, signes chrétiens sur les tombes.

Encore Camille Julian ne connaissait-il pas le signe secret des premiers chrétiens: l'Ascia. Ce n'est, en effet, qu'en 1955 que Jérôme Carcopino publia son étude intitulée: "le mystère d'un symbole chrétien; l'ascia" - donnant aux archéologues un moyen de plus pour reconnaître les tombes des premiers disciples de Jésus-Christ. Précisons donc que Bordeaux vient au second rang des villes de Gaule quand on fait le recensement des "ascia".
Plus frappant encore, alors que le saint évêque Irénée semble ne les avoir fait tracer à Lyon qu'après 178, il s'avère que plus de la moitié de celles de notre Burdigala sont antérieures à cette date... La "crux dissimulata", la croix secrète est donc là pour confirmer que Bordeaux avait son Eglise en même temps que Lyon, peut-être... Qui sait ? Avant ?

Une question viendra peut-être à l'esprit de nos lecteurs... Pourquoi l'Histoire de l'Eglise parle-t-elle tant des chrétiens de Lyon et si peu de ceux de Bordeaux ? Que le lecteur note que ce n'est que sa persécution qui fit parler de la communauté de Lyon et d'Irénée. "Les peuples heureux n'ont pas d'histoire" dit le proverbe... Pour que la communauté de Bordeaux puisse figurer dans l'Histoire il aurait fallu que Rome la persécute. Mais les Bituriges-Vivisques étaient calmes et diplomates. Que l'on songe qu'ils ne fournirent pas de soldats à Vercingétorix...

A cette neutralité politique se joignait une grande tolérance religieuse. Sur ce point l'archéologie nous montre une profusion ahurissante de religions différentes dans le Burdigala antique.
L'Eglise Saint Etienne, la première qui fut construite à Bordeaux, s'élevait hors l'enceinte de la ville. Les premiers chrétiens voulurent reposer après leur mort près du lieu où ils avaient prié entourés de leur famille, et bientôt cette église fut entourée de tombeaux. Or, on a trouvé dans quelques-unes de ces sépultures des médailles du IIème siècle, et cette découverte seule suffirait pour mettre hors de doute l'antiquité de l'Eglise de Bordeaux.
Dans un autre cimetière, celui de Terre-Nègre, les sépultures des chrétiens ont été superposées à celles des païens, et dans aucune de ces dernières on a trouvé de médailles postérieures au IIème siècle.

Malgré la série de faits précités, la critique moderne ne manque pas de faire remarquer que de Saint Martial à Orientalis, le premier des évêques connus, on ne trouve la trace d'aucun prélat qui ait administré l'Eglise de Bordeaux.
(Cf. la plaquette d'information cultuelle du syndicat d'initiative de Bordeaux: "Son premier évêque est Orientalis (314)".)
Comment donc, si l'Eglise de Bordeaux existait au IIème siècle, ne retrouve-t'on la trace d'aucun de ses évêques ?
Cette objection n'a rien qui puisse nous effrayer; dans les premiers siècles, les pasteurs des églises ont très peu écrit. La crainte des barbares, le danger de voir tomber en leurs mains les livres saints, faisait que tout se transmettait par traditions.

Au IIIème siècles, Turtullien renvoie les hérétiques non aux écritures, mais aux traditions conservées par les Eglises.
"Consultez, leur dit-il, les Eglises où par succession, depuis les Apôtres, les pasteurs ont professé les vérités, et voyez ce qu'elles enseignent".
Ces deux exemples établissent le rôle important de la tradition. Tout se transmettait de vive voix; comment donc est-il étonnant que les Eglises aient perdu la mémoire de leurs premiers pasteurs, si, surtout, aucun événement remarquable n'est venu signaler leur épiscopat ?

Nous écrivions tout à l'heure que le premier évêque accepté par la critique moderne est Orientalis. Mais le souvenir de ce prélat ne nous a pas été transmis par la tradition locale; il n'a laissé aucun souvenir à Bordeaux; et l'on ne sait qu'il a existé que parce qu'il a figuré en 314, avec son diacre Flavius, parmi les signataires du Concile d'Arles.
Donc, si le concile n'avait pas eu lieu, si une maladie avait retenu Orientalis dans sa ville épiscopale, son existence serait complètement ignorée et la critique moderne serait en droit de nous dire que de son temps le siège épiscopal n'était pas occupé.

Après Orientalis, il faut venir jusqu'en 381 pour trouver le nom d'un évêque; mais alors on se trouve en face d'un prélat d'une grande sainteté: Saint Delphin.

L'antique tradition de l'Eglise de Bordeaux est formelle:
Evangélisé dès les origines, le peuple de Bordeaux eut pour évêque Fort qui eut pour consécrateur Saint Martial âgé alors de 80 ans. Bien plus, nous savons qu'elle identifie Martial avec le jeune enfant qui offrit les pains et les poissons à Jésus sur la montagne. Mettons que Martial ait eu 10 ans environ à cette époque... C'est tout à la fin du siècle qu'il aurait consacré Fort.

Si nous en croyons Venance Fortunat, évêque de Poitiers (530-600), Léonce le jeune aurait été, en 549, le 13ème évêque de Bordeaux... Treize évêques en 450 ans environ, cela fait des épiscopats de 34 ans de moyenne... Rien d'illogique en cela!
Nier l'épiscopat de Fort et sa consécration par Saint Martial c'est faire un cas bien léger de la tradition de l'Eglise de Bordeaux.

Oyez plutôt!

"Dans l'antique Burdigala, une femme se désole, des enfants pleurent; le grand-prêtre d'un culte ésotérique est frappé de paralysie. Bénédicte, son épouse, apprend que dans la cité érudite de Noviomagus un initié est venu apporter un nouveau rite, donnant un sens tout nouveau aux cérémonies antiques... Voici que des frères et soeurs de son groupe dans le Médoc se sont convertis. Cet initié a son Martial, il nomme ses disciples les chrétiens (les oints) du nom de leur fondateur le Christ (l'oint). Un sillage de récits de miracles suit le nom de Martial...
Bénédicte décide de se rendre à Noviomagus, jusqu'au haut-lieu où se tient l'Apôtre. Celui-ci se contente de donner son bâton à Bénédicte... A peine a-t-elle touché son époux de ce support de charismes qu'il se lève guéri.
Fort (Sigebert ou Gilbert en Austrasien) prend alors la voie romaine qui mène à Noviomagus. Il devient catéchumène du nouveau rite.
Il fera la connaissance de Véronique qui essuya la Sainte Face du Christ lors de sa Passion... Elle s'appelait primitivement Bérénice, mais le visage du Christ s'étant fixé sur son voile, l'Eglise la baptisa Véronique (Vera-Iconica), la Véritable Icône. Elle est établie à Soulac qu'elle a évangélisé.
Fort, probablement grand-prêtre d'un culte solaire apprend que Jésus-Christ est le vrai Soleil Invaincu. Il reçoit le baptême ainsi que Bénédicte, leurs enfants et d'autres frères et soeurs... Burdigala aura son Assemblée.
Puis tout naturellement il devient le prêtre, puis l'évêque.

Mais qu'était ce Fort, avant sa conversion ? La tradition de l'Eglise de Bordeaux se contente de nous signaler qu'il était le prêtre des idoles.
Alors de quel culte idolâtre ?

Le culte de Mithra à Burdigala


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