Que représente la fête de l’Ascension dans la tradition chrétienne ? Jésus s’élève dans le ciel sous les yeux ébahis de ses Apôtres pour rejoindre le monde divin... On peut résumer ainsi l’essentiel en une phrase. Pourtant cette simple affirmation pose mille et une questions. Essayons de comprendre.

Où va le Seigneur ? Que devient-il ?

Précisons d’abord que ce phénomène n’est pas l’apanage de Jésus seul. L’Ancien Testament présente deux cas similaires :

1) Avant le déluge (Genèse 5,22-24 et épître aux Hébreux 11,5-6), le mystérieux patriarche Henoch, personnage de légende ayant inspiré le livre apocryphe d’Henoch, conservé dans le canon de la Bible de l’Eglise Orthodoxe Ethiopienne.

2) Le prophète Elie, emporté vivant au ciel sur un char de feu selon ce que révèle la Bible traditionnelle au livre des Rois. D’après la légende Elie devrait revenir un peu avant la fin des temps pour mourir. Il serait l’un des deux témoins cités par le livre de l’Apocalypse au chapitre onze.

Dans les traditions postérieures au Nouveau Testament le personnage de Marie, mère de Jésus est associé à la fête du 15 août qui représente également un phénomène d’Ascension.

- La tradition catholique croit qu’elle est emmenée directement au ciel sans connaître la mort. C’est l’Assomption de Marie.

- La tradition orthodoxe enseigne qu’elle fait le passage de la mort, est ressuscitée l’instant d’après, puis est enlevée au ciel. Aussi les chrétiens d’Orient célèbrent la fête du 15 août sous le nom de Dormition de Marie.

Jésus, Marie, Hénoch, Elie, où sont-ils allés ? Il me semble que l’on ne peut comprendre ce phénomène mystique qu’en développant l’idée qu’ils passent dans ce que nous pourrions appeler : une autre réalité...

Une autre dimension, un autre univers, un espace-temps différent du nôtre. Depuis Einstein et sa théorie de la relativité nous savons que l’univers dans lequel nous existons est constitué de trois dimensions (largeur, hauteur, profondeur), plus une quatrième : le temps. Les successeurs d’Einstein dans la physique moderne ont émis depuis l’hypothèse qu’il existerait d’autres dimensions... Les fameux trous noirs par exemple ouvriraient la porte vers ces mondes incroyables : des univers parallèles au nôtre...

Ces hypothèses fantastiques qui relevaient de la science-fiction il n’y a pas si longtemps commencent à être prises au sérieux aujourd’hui. Elles peuvent, me semble-t-il, nous aider à appréhender d’une façon nouvelle certains mystères véhiculés par notre religion chrétienne, et renforcer notre Foi.

Le grand Saint Augustin écrit quelque part: "Je crois pour comprendre, et je comprends pour mieux croire". La raison ne doit pas être un obstacle à la Foi, au contraire !

Jésus déclare dans l’Evangile de Jean : "Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon père". Ces "demeures" peuvent-elles correspondre à ces mondes entrevus aujourd’hui par la physique moderne ? C’est une piste à ne pas négliger. Les "cieux invisibles" évoqués dans les prières liturgiques de la messe pointent vers ces mondes dont les mystiques ont depuis longtemps balisé l’existence:

- le fameux "troisième ciel" évoqué par l’Apôtre Paul dans sa première épître aux Corinthiens, qu’il nomme également "paradis".

- les sept cieux révélés par le prophète Isaïe dans le livre apocryphe qui porte son nom et qui décrit son ascension jusqu’au septième ciel, où il voit la gloire de Dieu. Ensuite le prophète assiste à la descente du Christ à travers les mondes invisibles et à son incarnation sur terre, puis à son ascension dans les cieux.

Essayons d’aborder cette question sous un autre angle de vue.

Dans les expériences de mort imminente les scientifiques qui se sont intéressés à la question sous l’angle de la recherche émettent l’hypothèse que la conscience pourrait basculer, aux frontières de la mort, dans une autre réalité...

Ce qui surprend dans les témoignages de personnes qui sont revenues, après avoir été entre la vie et la mort, c’est que ceux qui en font l’expérience décrivent parfois être comme sortis de leur corps. Le sentiment de ne plus être à l’intérieur de soi est pleinement vécu et ressenti. Par exemple les personnes se voient de l’extérieur, regardent la scène de leur réanimation (lorsque cela arrive à l’hôpital) et sont capables de mémoriser et décrire le personnel présent, les dialogues, les gestes accomplis, les appareils employés.

Autre singularité, la vision semble beaucoup plus large que celle que nous connaissons habituellement. Concrètement les personnes qui vivent cette expérience ont une vision à 360°, avec la possibilité de voir de plusieurs endroits à la fois, de voir les objets "en transparence", de voir "dans toutes les directions à la fois", de se déplacer "comme un zoom instantané". Il existe même des témoignages de personnes aveugles qui ont "vu" pendant cette expérience.

Les personnes concernées étant la plupart du temps déclarées "cliniquement mortes" ou dans le coma, les "organes des sens" sont à chercher ailleurs… Tout se passe comme si la conscience pouvait survivre hors du corps avec de nouvelles possibilités.

Ainsi de nombreux témoignages s’accordent pour déclarer que lors de ces expériences les personnes ont "volé" dans la pièce où se trouvait leur corps, qu’elles regardaient comme collées depuis le plafond, qu’elles pouvaient traverser les murs, entendre les conversations situées dans une autre pièce et rapporter des détails de scènes se déroulant ailleurs dans le bâtiment.

Comment comprendre ces phénomènes ? En l’état actuel des connaissances de l’humanité nous n’avons pas la réponse à ces questions. Nous pouvons juste émettre des hypothèses devant ces témoignages. Concernant la conscience qui bascule, aux frontières de la mort, dans une autre réalité, est-il possible d’y voir le signe de ces "autres dimensions" entrevues aujourd’hui par la physique moderne ou désignées par la mystique religieuse sous le nom de "cieux invisibles" ? Ces dimensions englobent-elles nos quatres dimensions connues (largeur, hauteur, profondeur, temps) comme les poupées russes englobent d’autres figurines à l’intérieur ? Cela expliquerait le passage instantané de la conscience dans ces autres réalités au moment de la mort, ou encore le phénomène mystique de l’Ascension.

Autre chose encore à souligner concernant le départ du Christ retournant dans le "royaume des cieux", pour reprendre la célèbre expression des Evangiles : il semble bien que le début de son Ascension soit d’abord marqué par un phénomène de lévitation... Jésus s’élève dans les airs sous les yeux étonnés de ses apôtres (Actes 1,3). En quelque sorte le Seigneur s’affranchit des lois de la gravité qui régissent notre univers avant de basculer dans une autre réalité...

Notons que ces phénomènes de lévitation existent dans les récits de la vie des saints. Les plus connus sont ceux de Sainte Thérèse d’Avila dans la prière et l’extase en Espagne, ou encore plus proche de nous du saint curé d’Ars en France. On les retrouve également dans d’autres cultures religieuses ou même à travers certaines séances d’exorcisme.

En lisant les Evangiles l’extraordinaire accompagne la vie du Christ en permanence. Il commande au vent et à la tempête, guérit les malades, ressuscite les morts, marche sur les eaux, change l’eau en vin, multiplie les pains pour la foule, dessèche le figuier qui ne porte pas de fruit. Il semble souverainement libre par rapport aux lois habituelles qui régissent le monde dans lequel nous existons. Et que penser de sa résurrection où les témoignages des Evangiles le montrent apparaissant et disparaissant comme un esprit mais en même temps il mange avec ses disciples, se fait toucher d’eux, peut changer d’apparence, etc ? Nous sommes là devant un mode d’être qui n’a rien à voir avec nos connaissances actuelles, raison pour laquelle nous ne pouvons avancer devant le Seigneur qu’avec la Foi. Notre cerveau limité a beau s’ingénier à vouloir comprendre, nous ne "faisons pas le poids..." Il me revient à l’esprit cette phrase attribuée à Saint Exupéry : "on ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible au yeux".

Mgr Thierry Teyssot


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