Jésus parlait en paraboles, « il ne leur disait rien sans paraboles » disent les Evangiles. Voulant éclairer la lanterne de ses disciples sur l'origine du mal il déclare ceci : « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l'ivraie parmi le blé, et s'en alla. Lorsque l'herbe eut poussé et donné du fruit, l'ivraie parut aussi. Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire: Seigneur, n'as-tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie ? Il leur répondit: c'est un ennemi qui a fait cela. » (Mathieu 13,24-28)

Les clefs d'interprétation de ce récit ouvrent de nombreuses portes, nous verrons plus loin de quoi s'agit-il ? En complément, voici une petite histoire en forme, elle aussi, de parabole. Elle pose à son tour le pourquoi de la question du mal. Selon la légende, l'enfant de l'histoire serait le petit Einstein. Son intelligence sollicite donc notre attention.

Le Professeur et l'Enfant

Professeur : Je vais vous prouver que si Dieu existe, c'est un Dieu méchant. Est-ce que Dieu a créé toutes choses ? Si Dieu a créé toutes choses, il a aussi créé le mal. Cela signifie que Dieu est méchant.

Enfant : Excusez-moi professeur ! Le froid existe-t-il ?

Professeur : Quelle question ? Naturellement qu'il existe ! N'as-tu jamais eu froid ?

Enfant : En fait monsieur, le froid n'existe pas. Selon les lois de la physique, ce que nous considérons comme froid est en réalité, l'absence de chaleur. Professeur, l'obscurité existe-t-elle ?

Professeur : Évidemment qu'elle existe !

Enfant : Vous avez tort monsieur. C'est juste l'absence de lumière, Nous pouvons mesurer l'intensité de la lumière, mais pas de l'obscurité. Le mal n'existe pas. C'est comme l'obscurité, le froid. Dieu n'a pas créé le mal. Le mal est le résultat de ce qui arrive, lorsqu'on a pas l'amour de Dieu présent dans le cœur.

Quelques Explications

Sans amour, sans bonne volonté, ce qui est assez semblable, on va tôt ou tard droit dans le mur. Chacun peut en faire l'expérience dans la vie. Jésus d'ailleurs ne demande pas à ses disciples des choses compliquées, il ne les oblige pas, par exemple, à apprendre par cœur la Bible. Non, une seule chose suffit pour lui, aimer ; raison pour laquelle, toujours selon Jésus, il est impossible d'entrer dans le royaume des cieux si l'on ne redevient semblable à un enfant. A l'image du Petit Prince de Saint Exupéry qui fuit les gens « sérieux », le chrétien doit cultiver la fraîcheur d'esprit, la simplicité, l'humilité, la confiance, être un semeur d'espoir. Cela lutte contre le vieillissement de l'esprit et permet au cœur de rester jeune, comme l'enfant de Jésus.

Le mal est souvent le résultat de nos maladresses, nos erreurs, notre aveuglement, notre ignorance. C'est une conséquence de nos limites, dans un monde lui aussi limité et fragile. Ce monde dans lequel nous naissons, vivons, évoluons ou pas, est une sorte de symphonie inachevée dont nous sommes les musiciens. Chacun, avec ses talents et sa personnalité joue sa partition dans le grand orchestre de la vie. Si les musiciens jouent « juste », la musique est harmonieuse et agréable. Dans le cas contraire, la cacophonie fait « mal aux oreilles ».

Dans la parabole donnée par Jésus le mal est symbolisé par l'ivraie, la « mauvaise herbe » qui fiche la pagaille dans le champ de la Création. La zizanie, autre nom donné à l'ivraie dans l'univers biblique est la marque du diable ; celui qui sème le trouble, brouille les cartes, jette la zizanie dans le champ harmonieux du Père céleste.

Le mal s'attaque à rendre le monde malade. Il peut être très contagieux, contaminer les idées, les sciences, les religions, détraquer les gens.

Sur la question du pourquoi de la présence du mal, la théologie enseigne qu'il n'appartient pas à l'essence, mais à l'existence. Cela signifie qu'il n'y a pas un dieu du bien et un dieu du mal comme le croyaient les manichéens. « Le mal est le résultat de ce qui arrive, lorsqu'on a pas l'amour de Dieu présent dans le cœur » dit avec justesse l'enfant. Un peu de bonne volonté, et tout de suite le monde devient meilleur, plus lumineux.

Le danger pour l'être humain vient de multiples horizons. Le découragement, l'amertume, la rancune, l'aigreur sabotent les fondations de nos vies. Ils ouvrent ensuite la porte à la méchanceté, à la haine. De la même façon que la rouille vient à bout du fer le plus solide, ces sentiments négatifs lorsqu'ils nous envahissent obscurcissent le cœur et participent au vieillissement de l'esprit.

La promesse de la vie éternelle donnée par Jésus conjure ce vieillissement. Selon l'Evangile, l'éternité de la vie réside dans la connaissance d'un Dieu qui est amour. Pour le chrétien, c'est un cœur qui ne vieillit pas et peut aimer en plénitude.

Le numéro d'avril 2008 du Gallican consacrait un dossier approfondi au thème des EMI (expériences de mort imminente). De nombreuses études effectuées ces dernières années ont permis de dresser une sorte de portrait robot des constantes retrouvées dans les témoignages. Ce qui est sans doute le plus frappant dans ces récits, en dehors du fait de la survie de l'esprit hors du corps, c'est la notion d'une rencontre avec une lumière bienveillante de laquelle émane un amour qui semble infini, un amour capable de cicatriser et guérir les blessures de l'âme. Ces témoignages rejoignent le thème des principales religions avec la notion de l'éternité et de la plénitude de l'amour.

Sur ce thème de l'amour en plénitude, comment ne pas citer cet extrait de l'épître de l'Apôtre Paul aux Ephésiens : « A cause de cela, je fléchis les genoux devant le Père céleste, duquel tire son nom toute paternité dans les cieux et sur la terre, afin qu'il vous donne, selon la richesse de sa gloire, d'être puissamment fortifiés par son Esprit dans l'homme intérieur, en sorte que le Christ habite dans vos cœurs par la foi; afin qu'étant enracinés et fondés dans l'amour, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et connaître l'amour du Christ, qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu. » (Ephésiens 3-14-19)

L'apôtre Paul était évidemment un mystique. Ses lettres donnent le sentiment de la richesse de sa vie intérieure, de cette plénitude de vie qui l'habitait. A la source de son ressenti, de ses émotions spirituelles, il y a le Christ. Il en perçoit la Présence par la foi qui l'habite. Comme Paul, le chrétien est appelé à cette rencontre, à cette expérience ; la prière, la participation au Mystère de l'eucharistie lors de la messe, l'esprit fraternel envers le prochain permettent à notre esprit de vivre cette aventure spirituelle.

Que faire de sa Vie ?

La question est essentielle. « Le mal est le résultat de ce qui arrive, lorsqu'on a pas l'amour de Dieu présent dans le cœur », déclare l'enfant au professeur. Jésus dans son enseignement et le témoignage de sa vie nous demande d'aimer, mais qu'est-ce que l'amour ? C'est d'abord un sentiment plus grand que tous les mots que l'on pourrait employer, ou inventer. L'apôtre Paul, toujours lui, donne des éclaircissements sur ce ce qu'il ressent et comprend de l'amour dans une de ses lettres : « L'amour sait prendre patience... l'amour est serviable... il n'est pas envieux... il ne se gonfle pas... ne fanfaronne pas... ne fait rien de malhonnête... ne cherche pas son intérêt... ne s'irrite pas... ne tient pas compte du mal... il ne se réjouit pas de l'injustice, mais met sa joie dans la Vérité. Il excuse tout, croit tout, espère tout... supporte tout ! L'amour ne passe jamais. » (1 Corinthiens 13)

Ces lignes écrites par Saint Paul il y a près de deux mille ans sont toujours d'actualité. Depuis le temps de l'apôtre, l'Humanité a fait du chemin. Le progrès matériel, la technologie, les connaissances nous ont enrichi, d'une certaine façon, mais qu'en est-il du progrès humain ? N'est-il pas la clef de la vie ? Réussir dans la vie est une chose bien sur, mais réussir sa vie, n'est-ce pas la priorité ? Réussir dans la vie passe par l'avoir, la possession ; réussir sa vie passe par l'être, c'est à dire ce qui nous permet d'être heureux et de rendre heureux autour de nous.

« Là où est ton trésor là sera ton cœur » déclare Jésus dans l'Evangile. Il est important de ne pas se tromper de trésor, c'est à dire de voie. Voulant préciser sa pensée le Fils de Dieu indique deux routes ; un chemin à emprunter, un autre à éviter : « Entrez par la porte étroite, car large est la porte, et spacieux le chemin qui mène à la perdition, et nombreux sont ceux qui s'y engagent ; car étroite est la porte, et resserré le chemin qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux qui le trouvent. » (Mathieu 7,13-14)

Le chemin du bien, la « porte étroite », cela suppose des efforts, demande du temps, « parce qu'on a rien sans peine » dit l'adage : patience, créativité, persévérance le jalonnent. Le chemin du mal, la voie de la « perdition », celle « du côté obscur » pour reprendre l'expression d'un célèbre film de science-fiction, qu'est-ce que c'est ? Ce parcours fait appel à la colère, à la violence, à la destruction, et tout va trop vite sur cette voie. Prenons un exemple : bâtir une amitié, construire une relation avec quelqu'un demande du temps. Il faut apprendre à se connaître, à s'apprécier, à s'apprivoiser. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut que la confiance puisse s'installer, que les complexes, les doutes et les peurs puissent baisser la garde. Par contre se fâcher avec quelqu'un, se séparer, cela va très vite. La facilité « large et spacieuse » qui n'entrevoit pas les conséquences, c'est un des chemins du mal. Construire une maison demande de la créativité, beaucoup d'efforts, de patience et de temps ; la détruire en quelques minutes est à la portée d'un coup de pelleteuse, d'un incendie ou d'une explosion.

Nous pouvons aussi rapporter la parabole des deux chemins aux préoccupations écologiques du moment. En l'état actuel des connaissances, il a fallu cinq milliards d'années d'évolution sur notre petite planète pour arriver jusqu'à nous. En quelques dizaines d'années, si les émissions de CO2 dont nous sommes responsables ne baissent pas, la planète courre un grand danger.

C'est toujours la parabole des deux chemins. Que faisons-nous, humains, de la vie qui nous est donnée ? Quels chemins empruntons-nous lors de notre périple terrestre ?

La Parabole de Saint Christophe

Saint Christophe est un saint très populaire. Quelle famille n'a pas dans sa voiture une médaille ou un porte-clefs à son effigie ? Traditionnellement, l'Église lui reconnaît le charisme de protéger et de prendre soin des voyageurs en chemin. Sait-on encore pourquoi aujourd'hui ?

Au début de son histoire, c'est une brute épaisse qui ne porte pas de nom, parce que le clan dans lequel il est né est trop décadent pour lui en donner un. Aucune idée de mal n'a alors germé dans son cerveau. La seule notion morale qu'il connaît est celle de l'Ordre. On doit tout faire pour que tout plie sous la volonté du Puissant. Il respecte seulement la loi du plus fort et ne connaît rien d'autre. Selon ses biographes ses parents non plus, ne portent pas de nom. Tout ce que l'on sait d'eux c'est qu'ils sont de taille gigantesque.

Le nom de Nephilîms (les tombés, les déchus) est donné aux géants bibliques éliminés par le déluge universel. Pourtant le livre des Nombres mentionne l'existence de quelques spécimens descendants de l'ethnie pratiquement éteinte des Néphilîms, lorsque Moïse envoie des espions au pays de Canaan : « Nous y avons vu les Déchus, les fils du Géant d'entre les Déchus ! Nous nous faisions l'effet de sauterelles, et c'est bien aussi l'effet que nous leur faisions. » (Nombres 13,33) Ces géants ne sont pas nombreux, trois seulement: « Ahiman, Schéschaï et Talmaï, fils d'Anaq » (Nombres 13,22). Ils seront chassés par Caleb - (Josué 15,14) ; (Juges 1,10 et 1,20) - lors de la conquête du pays de Canaan par la tribu de Juda. Il semble que des restes de l'ethnie des Néphilîms avait fait souche chez les Cananéens et les Philistins. Le géant Goliath abattu par la fronde de David dans la vallée d'Elah est sans doute un lointain descendant des Néphilîms. Selon la Bible il mesure environ trois mètres. Le prophète Amos évoque les guerriers Amoréens, « dont la hauteur égalait celle des cèdres, et la force celle des chênes » (Amos 2,9).

En contemplant le vitrail de l'Histoire, nous devons réaliser que le futur Saint Christophe appartient à la lignée des Nephilîms. Selon la «Légende Dorée» de Jacques Voragine il mesure douze coudées, soit cinq mètres quarante environ, une montagne de chair et de muscle de près de quatre cents kilos.

Avant de devenir Saint Christophe ses compagnons d'infortune le surnomment Reprobatus, traduction latine du mot : le Réprouvé; signe de son appartenance au groupe des Nephilîms (les tombés, les déchus).

Longtemps il est un guerrier qui combat au service de rois de plus en plus forts. Puis, selon la légende il se met en quête du plus puissant des rois. Le Réprouvé finit même par servir le diable, que ses compagnons lui disent être le plus fort, jusqu'au moment où il se rend compte que celui-ci tremble devant le signe du Sauveur Jésus. Il se met alors en quête de ce nouveau roi, mais ne sait comment le trouver. Un ermite lui explique l'avoir rencontré dans la prière, la méditation, le jeûne. « J'ai le cerveau bien trop petit pour prier et méditer, » répond à peu près le Réprouvé, « quant à mon estomac, il est, au contraire, bien trop grand pour supporter de rester sans manger… N'y a-t-il pas un autre moyen d'entrer en contact avec cet être puissant ? »

L'ermite lui propose d'aider les gens à traverser un grand fleuve, en les portant sur son dos, pour qu'ils ne se noient pas. Le géant se laisse convaincre, cette occupation devient son nouveau travail. Au début il ne voit pas très bien en quoi cela peut être agréable à ce futur Maître. Compte-tenu de ses faits d'armes passés, il aurait mieux compris l'ermite si celui-ci lui avait proposé de jeter à l'eau les voyageurs en les détroussant pour le compte de celui qu'il voulait servir, mais il suit néanmoins la consigne de l'ermite. Les années passent, les voyageurs le remercient de ses services, il découvre un sentiment nouveau : la bienveillance. Sa violence et son agressivité disparaissent, remplacées par une grande gentillesse. On le nomme désormais Offerus. La bonté devient la qualité prédominante chez lui.

Un jour un enfant lui demande de passer le fleuve. Il le prend sur ses épaules mais vite, trouve le petit bien lourd… Habitué à porter des charges de cent kilos et plus Offerus ne comprend pas ce qui lui arrive.

Jacques de Voragine dans la « Légende Dorée » écrit :
- « Et voici que l'eau du fleuve se gonflait peu à peu, l'enfant lui pesait comme une masse de plomb ; il avançait et l'eau gonflait toujours. L'enfant écrasait de plus en plus les épaules du géant d'un poids intolérable, de sorte que celui-ci se trouvait dans de grandes angoisses et craignait de périr, il échappa à grand peine. Quand il eut franchi la rivière, il déposa l'enfant sur la rive et lui dit : « enfant, tu m'as exposé à un grand danger, et tu m'as tant pesé que si j'avais eu le monde entier sur moi, je ne sais si j'aurais eu plus lourd à porter. »

L'enfant lui répond alors :
- « Ne t'en étonne pas Christophe, tu n'as pas seulement tout le monde sur toi, mais tu as porté sur tes épaules celui qui a créé le monde. »

A cet instant précis le géant Offerus devient Christophe, le Porte-Christ. Jésus lui donne un nouveau prénom après la plongée dans le fleuve, devenue un véritable baptême… Il peut être utile de mettre en parallèle la légenda de Saint Christophe avec celle d'un célèbre Titan grec : le géant Atlas, portant le monde sur ses épaules.

La Rédemption Toujours Possible

Dans la mythologie grecque, il existe des géants appelés Titans nés de l'union du ciel (Ouranos) et de la terre (Gaia) et précipités dans le Tartare, le monde souterrain. Cette union du ciel et de la terre rappelle étrangement celle des anges et des descendantes d'Eve mentionnée par (Genèse 6,1-4). Et la deuxième épître biblique de Pierre mentionne le Tartare comme lieu de punition des anges ayant chuté avant le déluge : « Car si Dieu n'a pas épargné les anges qui avaient péché, mais les a mis dans le Tartare et livré aux abîmes de ténèbres, où ils sont réservés pour le Jugement ; s'il n'a pas épargné l'ancien monde, tout en préservant huit personnes dont Noé, héraut de justice, tandis qu'il amenait le déluge sur un monde d'impie. » (2 Pierre 2,4-5)

L'épître biblique de Jude présente aussi les anges pécheurs comme : « des astres errants, auxquels l'obscurité des ténèbres est réservée pour l'éternité. C'est aussi pour eux qu'Hénoch, le septième patriarche depuis Adam, a prophétisé en ces termes: Voici, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, pour exercer un jugement contre tous. » (Jude 13,15)

Les termes de Déchus, Réprouvés, Nephilîms donnés aux géants antédiluviens et à leurs descendants indiquent-ils une condamnation, une mise à l'écart perpétuelle, voire éternelle ?

Le livre d'Hénoch, l'épître de Jude et la deuxième épître de Pierre semblent nous dire que oui.

Pourtant la légenda de Saint Christophe introduit un nouvel élément : le Salut dans le Christ, la rédemption par le sang de Jésus… Saint Christophe est sauvé ! La vertu d'Espérance est ancrée dans les Evangiles, ils nous disent toute la tendresse du Christ pour les publicains et les pécheurs. Celui qui sauve la brebis perdue et accueille l'enfant prodigue peut-il rejeter à jamais le pécheur ?

Le Symbole des Apôtres enseigne que le Christ est descendu aux enfers entre sa mort et sa résurrection. Sur cette affirmation du Credo, nous ne savons pas grand chose, mais la première épître de Pierre est assez éclairante : « Le Christ lui-même est mort une fois pour les péchés, juste pour des injustes, afin de nous mener à Dieu. Mis à mort selon la chair, il a été vivifié selon l'esprit. C'est en lui qu'il s'en alla même prêcher aux esprits en prison, à ceux qui jadis avaient refusé de croire lorsque temporisait la longanimité de Dieu, aux jours où Noé construisait l'Arche, dans laquelle un petit nombre, en tout huit personnes, furent sauvées par l'eau. Ce qui y correspond, c'est le baptême qui vous sauve. » (1 Pierre 3,18-21)

Dans le Christ, le Salut est toujours possible, c'est l'âme du christianisme, par l'amour : « De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentir. » (Luc 15,7)

Le Malheur Malgré Nous

« Le mal est le résultat de ce qui arrive, lorsqu'on a pas l'amour de Dieu présent dans le cœur » dit l'enfant au professeur. Ce n'est pas toujours vrai ! Malgré toute la bonne volonté que l'on peut mettre dans la vie, malgré la foi, l'espérance et l'amour, le malheur peut toujours frapper à notre porte : maladies, guerres, accidents, catastrophes en tous genre, la vie est rarement un long fleuve tranquille ; raison pour laquelle Jésus nous demande de porter notre croix.

Mais comprenons bien. Lorsque le Sauveur nous demande de porter notre croix, il ne s'agit pas de rechercher la souffrance, le malheur ; ce serait prendre le contre-pied de ce que nous demande Jésus. Il n'était pas masochiste ! Non, ce que le Sauveur a voulu exprimer c'est qu'en ce monde, le mal existe et peut s'abattre sur n'importe qui. Alors dans ces moments, il faut essayer de faire face et se défendre, se battre et s'en sortir. D'une certaine façon cela s'appelle être adulte et assumer. « On a rien sans peine » dit l'adage, on le découvre assez vite dans la vie. A l'adresse d'une personne qui le questionnait sur son célèbre talent d'inventeur Thomas Edison répondit : « le génie c'est 1 % d'inspiration et 99 % de transpiration. »

En portant lui-même sa croix et en mourant sur le Golgotha Jésus a voulu nous montrer qu'il était avec nous dans les moments terribles de la vie (maladie, mort, épreuves en tous genre). Cela me rappelle cette parole reçue voici une vingtaine d'année d'une paroissienne bordelaise : « vous savez mon Père, le Seigneur a dit qu'il faut porter sa croix ; pour certains elle est en plastique, pour d'autres elle est en béton armé ! » Cette dame avait du bon sens, de la finesse et de l'humour, elle avait eu aussi son lot d'épreuve dans la vie.

En regardant bien autour de nous, il est évident que nous pouvons apercevoir les ravages du mal. Ces maladies comme le cancer qui déciment des familles, ces guerres qui jettent les réfugiés sur les routes, ces catastrophes qui s'abattent sans crier gare. Bien sur, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne, la différence entre « le plastique et le béton armé ». Victor Hugo dans son roman « Les Misérables » aborde le sujet. Avant de mourir, le personnage de Jean Valjean confie à Cosette le secret de sa mère : « Elle a bien souffert. Et t'a bien aimée. Elle a eu en malheur tout ce que tu as en bonheur. Ce sont les partages de Dieu. Il est là-haut, il nous voit tous, et il sait ce qu'il fait au milieu de ses grandes étoiles. » L'Evangile éclaire ce mystère à sa façon : « il sera beaucoup demandé à ceux qui ont beaucoup reçu » ; ou encore : « les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers. »

L'Epreuve du Temps

Selon la Bible, à l'échelle du divin, hors de l'espace et du temps, il n'existe que sept jours immuables, ceux de la Création. Ils reflètent la volonté divine, la conception immaculée, l'idée non salie de la Création. « Et Dieu vit que cela était bon » dit la Genèse... Et puis il y a ce que nous pourrions appeler les « couloirs du temps », là où les sept jours de la Création se répercutent dans l'infini de l'espace et du temps. Dans ces couloirs, c'est là qu'il nous faut chercher la racine du mal, comprendre qu'il appartient à l'existence et non à l'essence, qu'il sème perpétuellement l'ivraie dans le bon grain de la Création.

Le septième jour, « Dieu se reposa » de l'ouvrage qu'il avait fait dit la Genèse, chapitre deux. Dieu étant pur esprit, il n'a pas besoin de se reposer… C'est vraisemblablement dans ce « temps » de « non intervention » du divin qu'il nous faut chercher trace de l'adversaire cité par Jésus. Relisons sa parabole : « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l'ivraie parmi le blé, et s'en alla. Lorsque l'herbe eut poussé et donné du fruit, l'ivraie parut aussi. Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire: Seigneur, n'as-tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie ? Il leur répondit: c'est un ennemi qui a fait cela. » (Mathieu 13,24-28)

Cet adversaire, qui est-il ? Pourquoi et comment fait-il pour semer l'ivraie ? Cela reste un mystère à notre modeste échelle de compréhension. Force est de constater qu'il se promène librement au paradis (Genèse 3). Pourquoi ? Le prologue du livre biblique de Job nous dit sensiblement la même chose (Job 1,6). Force est de constater également que l'arbre portant les fruits défendus de la connaissance du bien et du mal était : « désirable pour acquérir l'intelligence ... »  (Genèse 3,6)

Le « problème du mal », vaste sujet... Chacun essaye de donner des réponses. Victor Hugo encore, dans son roman « Les Misérables » aborde le sujet d'une façon bouleversante. A propos de Monseigneur Bienvenu il écrit : « il sentait partout de la fièvre, il auscultait partout de la souffrance, et, sans chercher à deviner l'énigme, il tâchait de panser la plaie. » - « le redoutable spectacle des choses créées développait en lui l'attendrissement ; il y a des hommes qui travaillent à l'extraction de l'or ; lui, il travaillait à l'extraction de la pitié. L'universelle misère était sa mine. La douleur partout n'était qu'une occasion de bonté toujours. Aimez-vous les uns les autres ; il déclarait cela complet, ne souhaitait rien de plus, et c'était là toute sa doctrine. »

L'Evangile ne dit rien de plus. Il s'agit de vaincre le mal par le bien. Jésus ne nous demande ni d'accepter ni de comprendre le mal : lui résister, ne pas être fataliste, ne pas se résigner, se battre pour le vaincre. Le « Notre Père », cette belle prière venue du Christ se conclut ainsi : résistance à la tentation, délivrance du mal.

Mgr Thierry Teyssot


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